La main d’Andy se ferma brutalement sur un pan du drap qui le recouvrait. Il tira sur le tissu léger, d’un côté, puis de l’autre, se retournant à l’intérieur avec une nervosité semblable à celle d’un gamin surexcité. Dans son esprit endormi défilaient des centaines d’images, sanglantes et cruelles, qui lui revenaient inlassablement, toutes les nuits. Il faisait sans cesse les mêmes cauchemars depuis quelques temps ; ils se répétaient toujours de la même façon, et le plus angoissant était probablement de ne jamais se souvenir du visage de ces personnes qu’il voyait se faire massacrer dans les méandres de ses sinistres cauchemars.

Hurlement. L’éclat de voix d’un monstre ailé fendit le ciel qui surplombait le volcan.

Andy ouvrit les yeux brusquement. Il les referma aussitôt, sa rétine agressée par la puissance des rayons du soleil de midi. Il avait dormi jusque-là, épuisé par sa journée de travail de la veille. Se relever lui procura un mal de crâne insupportable, et il eût soudainement bien envie de se replonger dans l’étreinte de Morphée. Mais il ne pouvait tout de même pas dormir toute la journée. Il tira le drap blanc et se leva de son lit, bâillant à s’en décrocher la mâchoire à plusieurs reprises. Il enfila une chemise rapidement et partit se préparer un café, s’allumant sa première cigarette de la journée. C’était le premier truc qu’il faisait en se levant ; c’était devenu un réflexe.

Il se dirigea vers son salon, la clope au bec, tasse de café à la main, et y trouva Sandra. Rien de très étonnant jusque-là, elle était toujours debout avant lui. Non, ce fut la présence indésirable d’une jeune femme installée sur son canapé qui le gêna. Il posa sa tasse et tira sa cigarette, avant de souffler un long nuage de fumée en se grattant l’arrière de la tête.

« Qui est-ce ? Je ne vais pas héberger tous les clochards que tu ramasses, Sandra. »

L’odeur du tabac qui envahissait ses narines le ramenait peu à peu à la réalité, l’arrachant au monde des rêves dont il était encore à moitié prisonnier. Le réveil était toujours assez difficile pour lui, il appréciait énormément son lit depuis qu’il était revenu de son long séjour à Almancar. Il reporta sa cigarette à ses lèvres, lentement, observant longuement la jeune femme installée sur son canapé avec une sorte de fascination. Elle lui rappelait quelque chose, mais avec tout ce qu’il s’était passé l’année passée, il avait du mal à remettre un nom ou un événement sur ce joli visage féminin.

Sandra commença à lui poser des questions. C’est vrai que le comportement de cette fille vis-à-vis de lui était suspect. Lui-même se demanda pourquoi est-ce qu’elle ne le lâchait pas du regard. Elle avait quitté le canapé après lui avoir fait une réflexion déplaisante au possible alors qu’elle se trouvait actuellement sous son toit. C’était plutôt malvenu. Il fronça les sourcils suite à cette remarque irritante, compressant le filtre de sa cigarette entre ses doigts pour calmer ses nerfs.

C’était elle, la messagère qui était venue lui porter le message de Raziel à Almancar. Leur rencontre s’était plutôt mal terminé, ayant un peu forcé sur le whisky, il avait fini par la séquestrer plusieurs jours dans la veille carcasse de bateau qui l’abritait. Il n’en avait aucun souvenir précis à cause de l’alcool, mais en effet, après mûre réflexion, c’était bien elle. Le hasard avait voulu que leurs chemins se croient à nouveau, quelle chance, alors. En y repensant, la première chose qu’elle lui évoquait, c’était le coup bas qu’elle lui avait donné et qui lui avait donné des douleurs infernales pendant plusieurs jours. Quelle horreur.

Soudainement, il s’énerva et donna un coup de pied dans la table basse sur laquelle il avait posé son café, et ce dernier vola sur Sandra, alors qu’il était encore brûlant. Il se dirigea vers une fenêtre de la pièce d’un pas ferme, soufflant un nuage de fumée avec la puissance d’un taureau.

« Oh, oui, je me souviens. C’était juste une call-girl un peu collante que j’ai rencontré à Almancar. »

Le liquide brûlant lui agressa la peau du crâne, la faisant presque fumer. Il s’écoulait le long de ses mèches de cheveux, sur son visage et dans son cou comme les rivières de magma sur le volcan. Il resta immobile, intériorisant au maximum l’explosion de colère qui se faisait dans sa tête à l’heure actuelle. Il n’avait jamais été simple pour lui de canaliser sa rage mais il ne devait pas perdre le contrôle de lui-même cette fois-ci. Lui prouver qu’elle se trompait sur son compte et que tout ce qu’elle avait pu voir n’avait été que l’affaire d’une soirée. Il tenta de reprendre son calme malgré le chocolat brûlant qui incendiait ses neurones et les paroles piquantes de Clarice. Il valait bien mieux que ça.

Sandra s’était énervée à son tour. Clarice quant à elle, s’était postée juste devant lui, la mine faussement bienveillante. Andy n’avait pas bougé d’un pouce, le regard toujours fixé dans le vide, ses pupilles n’avaient même pas bougé pour la regarder. Il était aussi immobile et impassible qu’un portrait peint. Il laissa la jeune femme déballer sa verve sans aucune réaction.

Il finit par poser son regard sur elle avec un grand sérieux. Elle pouvait le menacer autant qu’elle voulait, ça ne l’atteignait pas ; il n’était pas question qu’il se soumette à une femme, et encore moins à celle-ci.

« Tu es sûre de vouloir remettre ça sur le tapis ? »

Il lui adressa à son tour un sourire faux, avec une pointe d’agacement. Quelque part, c’était gênant de reparler de tout ça, mais il lui fallait assumer ses beuveries intempestives de l’époque. Ce n’était que de cette manière qu’il pourrait échapper à l’humiliation publique. Et de toute façon, qui croirait que l’éminent Andy Jacobsen s’adonnerait à de telles bassesses, quand on sait que cela sort de la bouche d’une inconnue sans histoire ? Une blague. Andy ne la craignait absolument pas, quoi qu’elle dise.

« Je suppose que ça t’amuse de ressasser des vieux trucs qui n’ont plus lieu d’être évoqués. Si tu as quelque chose à ajouter, vas-y, mais dépêche-toi, j’aimerais bien aller me changer. »

Il était navrant de voir combien Sandra était toujours aussi naïve. Andy lui lança un regard rempli d’exaspération suite à sa question qui lui paraissait déplacée. Il se fit la réflexion momentanée que l’autre fille devait manquer cruellement de maturité pour se comporter de cette manière. Si elle s’attendait à ce qu’il s’excuse à genoux, elle pouvait toujours courir. Ce qui était fait était fait. Et vraisemblablement sa seule intention à l’heure actuelle était juste de le ridiculiser, rien de plus. Elle devrait donc se calmer une fois satisfaite.

Lorsqu’elle évoqua le nom d’Ehma, son cœur cessa de battre pendant une seconde. Comment pouvait-elle être au courant pour ça ? Elle l’espionnait, ou quoi ? Il avait beau se questionner à ce sujet, il restait serein, maintenant qu’il avait réussi à faire taire sa colère. Il lui semblait qu’elle tentait de toucher son point faible… c’était tellement bas. Tout comme le coup qu’elle lui avait donné la dernière fois. Au fond ça n’avait pas d’importance, mais il se demandait vraiment quelles étaient ses sources. C’était étrange. Peut-être même un peu trop. C’était un peu comme si elle lisait clairement dans ses pensées.
Il lui rétorqua sèchement :

« Je ne te permets pas. »

Le visage insondable, il suivit la jeune femme du regard, cette petite pimbêche qui prenait presque plaisir à raconter cette histoire. Andy n’en était pas fier, c’est certain, mais ce n’était pas certainement de cette manière que les choses s’arrangeraient.

« Tout ce que tu fais, là, c’est te donner en spectacle et me prouver que tu ne vaux pas mieux que moi. Cesse donc ces gamineries. »

Il n’attendit aucune réponse et quitta le salon en prenant soin de bien refermer la porte avec une délicatesse excessive, en signe d’ironie ; n’importe qui se serait attendu à ce qu’il la claque violemment comme il le faisait souvent. Qu’importe ce qu’elle pouvait dire maintenant, pour lui tout cela appartenait déjà au passé.

Il s’aspergea d’eau tiède, qui se mêla au liquide brûlant que Sandra lui avait renversé sur la tête, avant de le faire disparaître complètement. Ça lui avait d’autant plus calmé les nerfs et rafraichi la cervelle. Il enfila une nouvelle chemise, noire cette fois-ci, et un vieux jean troué. Il n’était pas nécessaire de se mettre sur son trente-et-un pour ces dames si c’était pour se recevoir encore un verre plein à la figure. Il retourna alors vers le salon, attrapant au passage sa cafetière et trois tasses qu’il tint habilement dans une seule main, et donna un grand coup de pied dans la porte qu’il avait gentiment fermée un peu plus tôt. Une des attaches de la porte sauta. Mais elle y survécut.

« Un café ? »

Andy retint un rire nerveux quand Sandra lui prit une tasse en lui indiquant aimablement qu’elle le laissait avec Clarice, qu’elle continuait d’appeler la « call-girl ». Elle devait pourtant avoir bien compris qu’elle n’en était pas une. Elle avait vraiment une case en moins, ou en trop, qu’importe… malgré ça elle ne lui était pas complètement inutile alors il consentait toujours à la garder sous son toit. Finalement, on pouvait facilement en venir à se demander qui était le plus chiant des deux.

À sa grande surprise, Clarice avait accepté sa proposition. Enfin, après avoir longuement inspecté la cafetière… il est vrai que son café n’était pas le meilleur de tout Sphéra, mais il n’était pas non plus empoisonné. Andy était meilleur pour préparer le thé ; c’était sa spécialité, avant. Mais les vieilles habitudes se dégradent.

Il s’assit dans son fauteuil et posa la cafetière sur la table. Le climat semblait s’être un peu détendu, maintenant que la jeune femme lui avait exposé ses quatre vérités. Ça, c’était fait. Il lâcha un long soupir, comme pour relâcher la tension, observant sa tasse à café avec un regard vide. La remarque de Clarice l’amusa ; oui, c’est vrai, Sandra était un peu hyperactive sur les bords, mais on s’y habituait rapidement. Il agita légèrement sa tasse, créa un petit tourbillon dans son café à l’aide de sa cuillère, comme le ferait un enfant.

« Elle est comme ça. »

Après une pause silencieuse, il releva les yeux vers la jeune femme, qui avait abordé le sujet de son nouveau métier. Andy sourit. C’est vrai que ce n’était plus la même chose. Plus la même ampleur. Plus le même calibre. Il préférait largement chasser les dragons que les êtres humains.

« En effet, ce ne sont pas des agneaux. Mais je les trouve fascinants. »

Il ne prêta pas attention au semblant d’ironie qui s’était incrusté dans ses paroles ; ça semblait être comme une seconde nature chez elle. Il n’avait pas l’habitude de ça cependant. D’habitude, il inspirait de la crainte aux gens, et personne n’osait se permettre de contrarier le grand Jacobsen. Clarice n’avait strictement aucun problème avec ça. Andy appréciait ce genre de personne qui ne se laissait pas faire, quand il piétinait leur égo. C’était bien plus intéressant que ces ramollis incapables de le contredire, comme s’il avait la science infuse.

Il lui fit un geste de la main pour l’inviter à s’asseoir sur le canapé. Après tout, elle était en quelque sorte son invitée.

« Et toi ? Je ne t’ai pas trop dégoûté du métier de messagère ? »

Le café avait refroidi. Andy en but une gorgée et grimaça de dégoût, avant de reposer sa tasse et s’allumer une autre cigarette. Il avait perdu l’habitude du luxe et de l’abondance dans lesquels il avait grandi… et pourtant, quelques fois, il se répétait que ça ne lui ferait pas de mal de les retrouver. Le palais de cendres d’Amenthalys, dans lequel il avait grandi, était totalement déserté depuis un an. Il n’y avait plus mis les pieds une seule fois depuis que Roxanne était devenue sénatrice d’Amenthalys. Maintenant qu’on en était à évoquer le passé, Andy se sentait nostalgique. Il avait plus de vécu derrière lui que n’importe quelle autre personne de son âge.

La remarque de Clarice amusa Andy. Heureusement que ce fâcheux petit incident n’avait pas brisé la vie de la jeune femme. Elle lui semblait même plutôt bien portante, alors c’était assez rassurant. Lorsqu’elle s’adressa à Sandra, Andy tourna la tête et l’aperçut dans l’embrasure de la porte. Il lui fit un geste de la tête pour lui indiquer de revenir, au lieu de les épier de cette façon.

Il souffla un nuage de fumée, sans trop se soucier du dérangement que pouvait causer l’odeur du tabac. La question qu’on lui posa le surprit. La rancœur de la populace ? Elle ne savait pas ce qu’elle disait, la moitié des Sphériens devaient le détester, si ce n’est plus. Il avait été pendant longtemps le premier représentant de la milice de Raziel et il était évident qu’on n’en gardait pas un très bon souvenir… cependant il est vrai qu’au bout d’une année, les choses s’étaient atténuées. Il avait réussi à se faire une place, étant donné qu’il avait été un des rares traqueurs à venir en aide aux karnevaliens lors de la chute d’Alzen. Il avait quand même participé à la destruction de deux des quatre mécanismes qui maintenaient la cité volante en hauteur ; il n’avait donc pas de regret.

« Beaucoup de gens me croient mort. Les autres savent que j’ai changé. Tout simplement… »

Les souvenirs affluaient dans son esprit. Tout ce qui avait fait qu’il était devenu le Andy d’aujourd’hui. Enfin, qu’il ait changé ou non, il restait néanmoins une chose à laquelle il ne pouvait pas échapper.

« …Mais ceux dont j’ai tué les proches, les familles, eux ne me pardonneront jamais, quoi qu’il arrive. Quoi que je fasse, ils n’oublieront pas tout ce que j’ai pu faire par le passé. Je ne m’en tire donc pas aussi bien que ce qu’on peut penser. »

Il reporta sa cigarette à ses lèvres avec un air blasé. Honnêtement, ce n’était pas le sujet de discussion qui l’emballait le plus. Puisque Sandra était revenue, il préféra passer à autre chose et s’interrogea finalement sur le pourquoi du comment de la présence de Clarice ici.

« Au fait… que s’est-il passé pour que Sandra te ramène ici ? »

Il écouta avec attention les explications de Sandra. Un aéronef qui s’écrase, ça lui rappelait de bons vieux souvenirs ça ; le jour où il avait rencontré ce taré borgne à Almancar après que son aéronef se soit écrasé dans les marécages. Il ne put s’empêcher d’esquisser un sourire, à cette pensée. Cela faisait déjà sept ans que c’était arrivé, et pourtant il s’en souvenait encore comme si c’était d’hier.

Il était vrai que Clarice avait eu beaucoup de chance pour le coup. C’en était étonnant. Il la toisa de haut en bas. Elle semblait n’avoir pas même une égratignure… le choc l’avait seulement assommée apparemment. Enfoncé dans son fauteuil, Andy croisa les bras, sans quitter la jeune femme du regard. Il eût un moment d’absence, l’esprit complètement vide. Il y avait quelque chose d’étrange avec cette fille, vraiment.

Elle lui posa alors une question, qui n’avait pas grand rapport avec la discussion, mais qui concernait un sujet qu’il connaissait bien.

« Non. Les dragons cracheurs de feu existent, mais ils sont très rares. Il n’y en a qu’un seul qui soit vivant, ici. »

Même s’il était encore trop jeune pour pouvoir cracher du feu, ceci dit. Sandra poursuivit alors en lui demandant si elle comptait rester ici pour la nuit. Ça ne posait pas vraiment de problème dans la mesure où il y avait largement de quoi l’accueillir ; et ils avaient rarement de la visite. Il n’y avait qu’une infime partie de la population qui osait s’aventurer ici, et ce n’était certainement pas pour les beaux yeux de Jacobsen. Clarice déclina la proposition, cependant.

« C’est comme tu veux… mais je te raccompagnerai dans ce cas. »

Oui, il avait peut-être oublié de préciser qu’ils étaient actuellement au sommet d’un volcan assez charpenté et pas très amusant à escalader.

Les paroles qui suivirent le firent tiquer. S’il trouvait cette fille terriblement étrange, ce n’était pas pour rien ; en l’occurrence, il la soupçonnait de posséder un karnevale pour le moins indiscret. Il était toujours très attentif au comportement des autres et il avait constaté à plusieurs reprises un élan de lucidité en elle qui était carrément douteux. Il n’avait aucune preuve de tout cela ceci dit et ne pouvait que faire des suppositions…

En attendant, histoire de ne pas rester là à moisir sur un fauteuil, il se leva, et tira sa clope.

« Ça t’intéresserait de visiter ? »

À nouveau, Sandra était repartie dans la cuisine ; décidément elle ne s’arrêtait jamais de faire des allé-retours celle-là. C’était un peu la même chose tous les jours, mais quand on dresse des dragons, on a l’habitude des bestioles hyperactives ; il s’en était donc facilement accommodé.

Un peu plus tôt, il avait perçu la surprise dans le regard de son invitée, qui s’interrogea donc sur le lieu où ils se trouvaient. Sa question sonnait faux, bien que la jeune femme s’efforçât de paraître le plus naturel possible. L’étau se resserrait peu à peu ; n’importe qui aurait pensé qu’il proposait de la raccompagner par pure politesse, ou même par galanterie puisqu’il s’agissait là d’un grand aristocrate. Mais non, elle avait immédiatement pensé que c’était en raison de la dangerosité de l’endroit. Sans le vouloir, elle se trahissait toute seule et négligeait le grand sens de l’observation qu’avait toujours eu Jacobsen.

Il était resté silencieux, attendant que sa partenaire sorte de la pièce, avant de souffler d’un air suspicieux :

« Tu le sais déjà, n’est-ce pas. »

Cependant il ne se voulait pas foncièrement sérieux dans ses paroles et esquissait par la même occasion un sourire amusé. Il avait deviné, bien sûr. Mais il jugea inutile d’en rajouter davantage là-dessus, étant donné que lui-même n’avait rien à se reprocher, ni à cacher. Elle pouvait très bien continuer de s’amuser à lire dans ses pensées si elle y tenait tant, c’en était presque flatteur.

Comme elle avait accepté sa proposition, Andy l’invita à passer dans un des couloirs qui serpentaient autour du salon. Les couloirs de sa demeure n’étaient pas rectilignes ; tout comme les tunnels qu’avaient creusés les dragons à l’intérieur du volcan. C’est ce qui en faisait un labyrinthe incompréhensible. Cependant il n’eût pas à marcher longtemps avant d’attendre un escalier adjacent au couloir, en bas duquel se trouvait une vieille porte en bois raccommodée à travers laquelle filtraient de puissants rayons de lumière. Dans un insupportable grincement, il l’ouvrit ; elle donnait en plein sur le cratère. On pouvait y voir de nombreux trous creusés, et de grosses cabanes placées en hauteur. Le repère des bestiaux. Seuls ceux qui se montraient obéissants pouvait avoir le privilège de se promener librement ; les autres étaient enfermés à quadruple tour dans les galeries souterraines.

Il se retourna alors vers Clarice, faisant quelques pas à reculons. Il prit un air sérieux, presque savant, et commença à lui énoncer le minimum à savoir.

« Il y a plusieurs règles à respecter quand on approche un dragon. Il faut savoir que c’est une créature noble ; si tu ne lui montres pas tout ton respect, il n’aura qu’une envie. Te tuer, te faire comprendre que c’est lui le patron. »

Il suffisait de voir dans quel état ces monstres avaient mis Andy ; lui-même n’était pas certain du nombre de cicatrices que des dragons lui avaient infligées.

« Mais le dragon c’est pas un chien. C’est pas ton pote. Il faut le maîtriser avant qu’il ne te maîtrise. Même dressé, il n’est jamais passif, ni soumis. C’est bien pour cela que je fais très attention à ma clientèle ; on ne peut pas confier ces bestioles à n’importe qui, peu importe combien ils sont prêts à payer. »

L’essentiel sécuritaire était dit. Une fois arrivé au centre du cratère, il siffla un grand coup et un hurlement se fit entendre. Une silhouette draconienne se dessina alors au-dessus du toit d’une des cabanes, sur lequel un dragon était perché. Il s’envola alors, et vint se poser au milieu du cratère, battant l’air de ses grandes ailes qui soulevèrent une énorme masse de poussière.

C’était une grande dragonne aux écailles vertes reluisantes et aux yeux d’émeraude. Sans doute la plus obéissante de tous ceux qui vivaient dans ce volcan, puisqu’elle avait répondu à l’appel sans attendre un instant. Andy s’en approcha et posa sa main sur le long cou de la dragonne, pour calmer les grognements qu’elle avait commencé à émettre.

« Tu veux essayer le vol à dos de dragon ? Tu verras, c’est bien plus drôle que les aéronefs. »