[Terminé] Même les requins ont des larmes [Maddy]

Ses yeux se plissèrent lorsque les détecteurs passèrent son corps en revue sous tous les angles. Les rayons X balayèrent toutes les réserves de son corps susceptibles d'abriter quelque élément inopiné et surtout malvenu. On le débarrassa de toutes les armes qu'il possédait, de la mitrailleuse au petit couteau dissimulé dans ses ranger. Un bracelet magnétique lui fut attribué afin que son Karnevale ne puisse pas se déclencher dans les locaux, et un petit badge « Visiteur » fut épinglé sur sa poitrine. Lorsque tout danger potentiel fut écarté, le directeur de l'ARK fut conduit jusqu'aux plus hauts étages, accompagné par un intendant dans l’ascendeur.

L'étrangeté des lieux occupait ses pensées ; cela lui faisait une curieuse impression de pénétrer physiquement dans l'environnement où il avait envoyé Caleb un mois plus tôt. Les objectifs lui permettant d'analyser les lieux n'étaient pas ceux des caméras de surveillance mais ses yeux, les micros étant ses oreilles.
C'était à l'issue de cette mission que Caleb avait découvert qu'une vieille connaissance, contrairement à ce qu'il avait pensé, était vivante.

Ainsi, celui qu'il appelait « son père adoptif » n'avait pas péri dans la chute d'Alzen, comme l'avait supposé l'absence de son corps dans les ruines et dans les fichiers de recensement de Sphéra. Une rencontre s'imposait avec celui qu'il n'avait pas vu depuis quasiment trente ans et qui peut-être ne se souvenait même plus de lui.

L'ascenseur tinta. Les portes s'ouvrirent. L'intendant lui assura que son hôte avait été prévenu et lui présenta une chaise à côté de la porte blindée afin d'attendre qu'il le reçoive. Sergueï préféra rester debout ; lorsque la porte s'ouvrit, il se retourna brusquement.

Beaucoup d'évènements s'étaient produits autour du scientifique dernièrement. La rencontre d'un illustre inconnu dans l'institut, un soldat opalien venant le voler ou encore sa petite ballade dans les ruines d'Alzen. Cela ne semblait pas vouloir s'arrêter puisque quelques jours plus tôt, on venait informer le savant que le directeur de l'ARK en personne venait se présenterait sous peu à l'institut. Au vu de l'importance de cette personne, la politesse imposait le directeur de se manifester ce jour précis. Le comité scientifique craignait devoir longuement marchander avec leur propre directeur pour le faire céder, mais étrangement il répondit favorablement à cette annonce et ordonna même que le dit invité soit amené à son laboratoire. The Mad ne voulait pas rater l'occasion de connaître un peu mieux cette organisation qui s'était alors propagé comme une trainée de poudre dans le Sphéra post-Raziel. On disait d'eux qu'ils étudiaient plus profondément ce pouvoir aussi mystérieux que miraculeux qu'on appelait Karnevale. Lorsqu'on apporta au chercheur les informations nécessaires sur le directeur, quelque chose l'interpella. En relisant plusieurs fois le nom, il finit par se persuader qu'il le connaissait, mais ne savait ni d'où ni comment.

Le jour arriva bien vite et pendant qu'en bas les gardes et autres hommes du personnels effectuaient les formalités d'usage, un assistant vint prévenir le savant de l'arriver imminente du directeur de l'ARK. Maddy rangea alors un peu son laboratoire qui s'étalait sur tout l'étage. Une fois tout en place il se mit en marche vers l'entrée de l'immense salle, un large porte blindée. Il tapota un numéro sur un clavier numérique puis apposa son pouce sur une aiguille sortant du mur. Après quelques secondes la porte s'ouvrit laissant place au dos du directeur Sakharov. Le Mad fit tout pour être accueillant, faisant preuve de son sourire le plus grand et le plus radieux possible, les bras dans le dos et le regard pétillant. Il fallait dire que l'idée de pouvoir en apprendre plus sur cette mystérieuse organisation mettait le savant dans tous ses états. IL convia l'homme à rentrer dans le laboratoire et ferma la porte à son passage. Il se mit alors à marcher vers une table non loin qui donnait sur une bibliothèque.

Mad : Asseyez-vous donc ! Je dois avouer que je ne reçois généralement personne, les autres ne m'intéressent pas. Ce qui me tient en vie ce sont mes recherches et non le monde extérieur et toutes ces fourmis qui se débattent dans un labyrinthe sans sortie. Il s'assit à son tour en face de son invité. Seulement, vous, vous m'intéressez, ainsi que cette organisation dont vous êtes le soi-disant directeur. Je ne dis pas que vous ne l'êtes pas, mais ceci n'est qu'un titre. Dans mon cas j'ai décidé de le prendre et de ne rien n'en faire.

Le scientifique détaillait son invité du regard. Il était imposant et son visage témoignait d'une vie difficile et longue. Plus Maddy détaillait ces traits, plus cette sensation de déjà vu refaisait surface. Il n'était pas du genre à remuer le passé et évitait donc de poser la question, hier l'intéressait moins qu'aujourd'hui et aujourd'hui moins que demain. Il ne voyait pas l'intérêt de raviver des souvenirs qui ne lui était plus nécessaire.

Mad : Alors passons aux choses sérieuses. Je n'ai rien à faire de votre visite et de ce que vous cherchez ici. Vous pourriez y mettre feu que je n'y prêterais pas attention. Par contre si vous devez tuer des gens commencer par l'étage 17, je ne les aime pas trop. Non, ce que je veux, les informations sur l'ARK. Un centre de recherche sur le Karnevale ! Intéressant, je fais des recherches quelques fois dans ce domaine. Cela fait partie de mon thème. Je veux donc en savoir plus et non n'est pas une réponse. Vous ne partirez pas tant que je n'ai pas ce que je veux.

Le savant fit résonner sa dernière phrase dans tout le laboratoire, la clôturant par l'un de ses célèbres sourire, plus doré que jamais. Son regard continuait de pétillait et traduisait aussi un enthousiasme grandissant.

-On dirait que tu as rajeuni, Maddy. Cette facilité à faire la causette ne t'était pas propre, il y a de cela trente ans.

Sergueï répondit au sourire de son père adoptif par le sien, avant de lever son poignet dans sa direction aquel était attaché le genre de bracelet indestructible qu'on attachait aux poignets des prisonniers de la Tour du Savoir pendant l'ère Raziel.

-Je ne vais pas tuer grand chose avec ça.

Il prit le temps de détailler le masque qui recouvrait le visage du Savant. Les mêmes marques, les mêmes couleurs, la même odeur. Il n'avait pas changé. Comme si les trente ans qu'ils avaient vécu chacun de leur côté s'étaient évanouis, comme s'ils ne s'étaient pas quittés. Comme si Alzen n'était pas tombée.
Naturellement, Le Savant ne reconnaissait pas Sergueï. Il devait avoir bien changé depuis la dernière fois.

-Je ne suis pas venu pour qu'on me parle comme ça. Je ne suis pas le réel directeur de l'ARK et j'imagine que tu t'en doutes. Je dois dire que sans cette façade administrative, je n'aurais effectivement pas pu pénétrer ici.

Putain Andy tu fais chier.

-Si tu veux des informations au sujet du Karnevale, tu fais comme moi ; tu envoies un de tes employés les chercher dans l'Internat Psychatrique, parce que oui, il reste des trucs. Je vais bientôt y mener une expédition ; tu peux venir si tu veux.

Un soupir désabusé quitta ses lèvres alors qu'il plongeait son regard dans celui du Savant Fou.

-C'est dommage, j'aurais pensé que tu te souviendrais de la personne que tu as hébergée pendant des années.

La discussion dérapa sur quelque chose auquel le savant ne s'attendait pas. Dès les premières paroles du directeur de l'ARK, la surprise apparut. Rajeunit depuis trente ans ? Le cerveau du scientifique fit alors un bon dans le passé tentant de faire appel à ces souvenirs auxquels il ne portait aucune importance. Trente ans plus tôt il se trouvait à Alzen, la cité volante. Il avait longuement travaillé là-bas et rencontrer bien du monde. Seulement au fur et à mesure que son invité parlait, son passé revenait et il se rapprochait de la bonne personne. Lorsqu'enfin, Sergueï énonça le fait que Maddy l'avait hébergé, tout lui devint clair. Il le regarda sa main droite couvrant sa bouche, ses grands yeux plein de surprise et son air figé comme s'il venait de s'arrêter. Puis il se leva doucement, il posa sa main gauche sur la table et monta dessus pour avancer tout aussi lentement vers son interlocuteur, toujours assis. Le scientifique s'accroupit alors, posant son coude sur son genou et sa poing sous son visage. Le directeur observait plus intensément encore l'invité. Tout d'un coup il prit le menton de ce dernier de sa main gauche, alors qu'il posa la droite sur le front. Il dirigea le visage de Sakharov vers la droite, puis vers la gauche. Ensuite il prit sa main et en observa les lignes. Il se remit alors à sourire.

Mad : Tu étais jeune lorsque tu es entré à mon service. Puis je t'ai surpris en train de lire dans ma bibliothèque, plutôt essayer de lire. J'aurais pu te virer ou tout simplement te tuer, mais j'avais vu quelque chose à ce moment-là. J'avais vu ce que je n'avais pas pu voir lorsque tu es parti. Je t'ai vu toi ! Toi, comme tu es maintenant. Je t'ai appris à lire et à écrire, puis je t'ai fait entrer dans mon laboratoire et fais de toi ce que tu es maintenant. C'est plutôt réussi.

Le Mad descendit de la table et se tourna vers son œuvre. Il le regarda longuement. Dans son regard on pouvait lire un mélange de fierté et d'étonnement. Il marcha autour de la chaise pour ensuite remonter sur la table et s'asseoir devant son invité aussi excité qu'un gamin qui venait de recevoir son cadeau de Noël.

Mad : Aucune de mes créations ne m'étaient revenues jusque maintenant. eh bien, peut-être parce que rare sont ceux qui peuvent marcher. Seulement ça fait quelque chose. Généralement je travaille sans m'arrêter, mais toi tu avais réussi à me captiver, je ne m'étais focalisé sur rien d'autre que ton éducation. J'ai toujours considéré cela comme une expérience réussi lorsque tu étais parti. Aujourd'hui je me rends compte que c'est bien mieux que ça. Tu as vieilli mon ami. Il y a bien longtemps que le temps ne me fait plus ce genre de ravage. C'est drôle, j'ai l'impression que ces derniers temps la mort m'évite ! Il se rapproche alors de Sergueï et lui chuchote à l'oreille. Je crois qu'elle a peur que je lui prenne sa place Ha Ha Ha Ha Ha heu heu heu il finit par cracher. Tu n'es donc pas là pour l'ARK. Alors que viens-tu faire ici ? Me voir, me recruter pour l'internat Psychiatrique ou bien as-tu autre chose en tête ?

Maddy regardait Sakharov d'un air amusé. Le revoir après si longtemps annonçait une réussite sans précédent. Lorsqu'il avait formé ce gamin il avait décelé cet immense potentiel, mais il ne s'était pas rendu compte à quel point il était loin de la vérité alors. Sergueï accomplissait de grande chose et il pouvait le dire rien qu'à le voir. Il avait accomplit des milliers voir des millions d'expériences au long de sa vie, mais aucune n'avait évolué, n'avait réellement vécu. Or, le pseudo-directeur de l'ARK, lui avait eu une vie dur avec les réponses que seul l'existence apporte. Il avait hâte de discuter plus longuement avec lui.

Mad : La blabla vient avec l'âge, je me suis trouvé des élans de dramaturge. Tu sais, je n'aime pas les gens, mais je me sens seul parfois alors discuter avec moi-même est devenu très constructif. C'est ainsi que j'ai pris l'habitude de faire de longs monologues. Il redescend de la table et se met à marcher. Suis-moi ! Alors, trente ans, c'est beaucoup de temps ? Qu'as-tu fait ? Mais peut-être as-tu plus important à faire. Que viens-tu faire ici ? Réellement !

On aurait pu lui faire rencontrer quelque policier afin de le piéger et de l'emmener en prison, privant ainsi le roi de l'ARK de sa façade préférée. Cependant, lorsque les gestes du Savant commencèrent à se faire insensés, Sergueï eut un sourire ; il s'agissait bel et bien du savant Fou qui l'avait hébergé et qui s'était occupé de ses premières formations. Le même masque, le même regard, les mêmes habitudes, les mêmes retournements de situation ; pas de doute : c'était lui.

L'âge ayant commencé à grignoter la violence de ses sentiments et de ses pulsions, il fut surpris que son cœur bondisse dans sa poitrine au moment ou, par miracle, le Savant le reconnut. Il cacha avec une expérience trop bien taillée le soulagement que cette reconnaissance lui prodiguait. Lorsqu'il se releva, quittant la condition d'un simple visiteur, la difficulté de marcher s'imposa à lui.

-Je ne pense pas qu'une petite virée à l'Internat te fasse plaisir, je crois savoir que tu es très occupé...

Sans compter que voir une bande de dix personnes parfaitement louches tenter une approche dite « discrète » de l'Internat dans une rue condamnée depuis plusieurs mois n'avait rien de logique...Si nous rajoutions à cet effectif étrange un Savant Fou, la notoriété de l'ARK était bonne pour la benne à ordures.

-Tu vas rire mais je me suis spécialement déplacé dans le labo le plus surveillé de Sphéra pour te revoir. Je te croyais...Nous n'avions aucune nouvelle de toi depuis la Chute d'Alzen, et te revoilà en pleine forme, comme si je ne t'avais jamais quitté.

Sergueï n'arrivait pas à croire que le Savant était encore en vie, qu'il avait pu survivre à la Chute d'Alzen, à une éventuelle capture de Raziel – il était impossible que le roi reste indifférent à ses talents mondialement reconnus. Il se sentait plongé dans un rêve. Avec le Savant tout semblait si drôle et si facile.
La lumière du jour changeait peut-être tout un monde.

-Dis-moi, j'ai une question à te poser...Tu te souviens d'Hélène ?

Autant pousser l'utopie jusqu'à son paroxysme.

-Tu sais si elle est toujours vivante... ?

Alors que les deux hommes marchaient tranquillement dans le labo, Sergueï fit une légère remarque sur l'internat. Maddy n'avait pas répondu, mais cela ne signifiait pas qu'il n'y pensait pas. Le Karnevale le fascinait tout autant que ses expériences, pour la simple raison que ce pouvoir étrange faisait aussi partie des nombreuses questions qu'il se posait et qui le mènerait à son véritable but. Une source de pouvoir aussi étrange ne pouvait pas paraître transparent aux yeux d'un scientifique quel qu'il soit. Alors The Mad, le savant connut de légende, l'homme qui a transcendé l'humanité pour ne vivre que de science, selon ses propres dires ! Un homme comme lui se posait bien évidemment des questions sur la provenance, l'existence, l'apparition, les causes, conséquences et conditions de ce phénomène des plus mystérieux. IL s'agissait aussi là d'une raison suffisante pour le chercheur de s'intéresser encore un peu plus à l'ARK et il avait là devant lui une porte d'entrée fabuleuse. Sergueï A. Sakharov, une personne qui devait son destin au savant. Seulement, Maddy devait faire attention et ne pouvait pas non plus se servir de lui ainsi, car même s'il n'aimait guère les gens, le directeur de l'ARK était différent, il s'agissait de sa création, de son fils dans un sens du terme. Lorsque cette pensée traversa la tête du scientifique il sentit naître en lui une certaine fierté et un attachement qu'il ne désirait pas vraiment, mais qu'il devait dès à présent supporter.

Mad : Donc tu es venu rien que pour me voir. Quel confiture de bons sentiments ! Cela pourrait te mettre en danger, un comportement irrationnel est souvent la cause d'une conséquence fâcheuse comme la mort. Je te pensais plus malin. Alors, tu ne termines donc pas tes phrases ? Tu me croyais mort n'est-ce pas ? Quoi de plus normal, je n'ai rien fait pour qu'on pense le contraire. L'anonymat me sied assez bien. J'aime le fait qu'on ne vienne pas me faire chier pour des broutilles. Je me rappelle encore de ces hordes de jeunes inconscient qui venaient frapper à ma porte pour me demander de les prendre sous mon aile ou simplement les voir. Non je suis bien mieux sans ce tapage qu'entraine les rumeurs sur mon compte.

Maddy fulminait en repensant à cette époque où il n'avait jamais le temps de travailler à cause de la sonnette qui retentissait sans cesse. Lui, le misanthrope qui se devait de renvoyer un à un les abrutis qui se présentaient à sa porte. Il revoyait tout cela avec mépris. Puis il fut interpellé par la demande de sa création. Hélène, ainsi il courrait après une femme, comme bien des hommes. La destiné des êtres épris de sentiments. Le savant s'arrêta alors brusquement de marcher, tournant le dos à Sergueï et reprenant la parole.

Mad : Ainsi te voilà, devant moi me demandant de me souvenir d'une personne du passé. Alors que tu connais mon mépris du temps et des souvenirs. Alors toi aussi tu poursuis le fantôme d'une créature féminine. Crois-moi, nous sommes bien mieux sans ces distractions futiles que sont les femmes. Soit puisque tu le demandes, laisse-moi essayer de retrouver le fichier. Vu que cela te concerne j'ai dû l'associer à ton humble personne. Maddy ferma alors les yeux et tenta de se remémorer, ouvrant les tiroirs de son cerveau rangé comme un ordinateur et classé comme une bibliothèque. Hélène, n'est-ce pas cette femme dont tu t'étais épris lors de ton diplôme ? Oui, je la vois clairement. Je ne suivais pas vraiment tes prouesses, mais les déceptions sont tenaces. Tu as disparu à un moment et ... je crois qu'elle est restée à Alzen, mais il faut dire que lors de la fin du règne de Raziel je n'ai pas beaucoup suivi ce genre de choses. Maddy se retourne alors vers Sergueï, penchant la tête et souriant à nouveau. Ma foi c'est la femme que tu as choisi, elle doit bien être vivante quelque part, sinon je ne me fierais plus à tes décisions.

Le scientifique se remit à rire et repris la marche jusqu'au fond de son laboratoire. Il ouvrit une porte et invita Sergueï à entrer. Peu de personne avait accès à cette pièce, il s'agissait du côté séjour du lieux, la cellule de Maddy comme il aimait l'appeler. Il proposa un siège à Sakharov et prit quant à lui le fauteuil opposé. Une fois confortablement installé, le chercheur pris une nouvelle fois la parole.

Mad : Quant à l'internat, je n'ai pas encore décliné l'offre. Il s'avère que le Karnevale m'intéresse de plus en plus. Il pourrait m'apporter des réponses sur mon sujet de recherche. Voilà le centre de cette conversation. Dis-moi Sergueï, tu es resté longtemps chez moi et j'imagine que tu as gardé un œil ces dernières années cherchant inlassablement ce que moi ou mes recherches étaient devenues. Alors la vraie questions est ... Que sais-tu de mes recherches ?

-Je pense que si elle était bien vivante, je le saurais.

Malheureusement, lorsqu'il était parti, il avait perdu sa trace sans jamais la retrouver. L'un de ses bourreaux l'avait informé de sa capture et de celle de sa fille mais jamais de sa mort. Elle avait du être emprisonnée dans la Tour du Savoir en attendant son exécution. Lors de sa sortie de prison, Alzen était tombée. Où Hélène avait péri dans la chute, comme des milliers d'Alzéniens, ou elle avait péri dans la Tour du Savoir.
Même s'il fouillait dans la Zone, de toute façon, il ne trouverait plus qu'un squelette.

Bien sûr Maddy n'en avait que faire de ses sentiments ; c'était de cette manière qu'il l'avait éduqué et fait de lui l'homme qu'il était aujourd'hui. Lorsqu'ils pénétrèrent dans la cellule du Mad, Sergueï prit le siège qu'on lui proposait, n'écoutant que d'une oreille la longue tirade du Savant, trop porté sur les souvenirs d'Hélène que les lieux, exactement reconstitués comme avant, faisaient resurgir.

-Absolument rien.

Sa sincérité concernant les recherches du Mad était désarmante. Il avait mené une mission dans l'Institut pour récupérer des substances chimiques fabriquées seulement dans ce laboratoire depuis la chute de Raziel. Il savait que le laboratoire le plus sécurisé du monde – beaucoup prétendaient qu'il appartenait à l'ARK alors qu'ils se faisaient concurrence – renfermait obligatoirement les substances permettant la réussite d'une grande partie de ses expériences.

-Si j'étais au courant de tes recherches je ne penserais pas que tu aies passé l'arme à gauche, Mad. Cependant, j'aimerais bien que tu me mettes au jus...

Se redressant sur son siège, un œil expert sur ce qui pouvait être la bouche du Mad, Sergueï se prépara à ce qu'il pourrait entendre d'intéressant.

-Ne vas-tu pas m'éliminer si j'en sais trop ?

[HRP : Je suis désolé du retard]

Sergueï était bien pessimiste au sujet de sa femme. Mad n'en prit pas vraiment compte, les sentiments étaient un frein à son génie et il y avait bien longtemps qu'il s'en était débarrassé. C'était là ce qu'il y avait de fascinant et d'effrayant en même temps avec le scientifique. Sa capacité à dédaigner ce qui le gênait était tout simplement fabuleuse. Son passé l'emprisonnait et faisait du tort à ses exploits, soit il n'avait qu'à l'oublier et ne plus jamais en parler. Sa condition humaine l'empêchait d'être à la pointe de la technologie peu importe il n'avait qu'à s'en défaire et se refaire de façon à être en parfaite corrélation avec ses recherches. Ses émotions devenaient une gène trop importante il ne lui restait plus qu'à les inhiber et les enfouir éternellement dans un torrent de raison et de science. Si quelque chose bloquait son chemin, Maddy n'aurait aucun scrupule à s'en débarrasser, même si cela le touche personnellement il n'hésiterait pas un seul instant à agir pour éradiquer le problème afin d'arriver à la solution. Alors lorsque la petite brise sentimentale de son protéger se fit sentir, le savant ne put s'empêcher de détourner le regard dans un élan de déception. Puis vint le moment où le soi-disant directeur de l'ARK répondit à la question qui intriguait le génie. Il ne savait donc rien, une autre déception pour Maddy. Sakharov laissa alors la crainte s'emparer de son discours, voyant en cette question un piège.

Mad : Ha ha ha Oublie cette femme, elle n'est qu'un frein à ton ambition. C'est peut-être cela qui t'empêche d'être à la tête de cette organisation. En tout cas ce sont ces sentiments qui t'ont aveuglé et obligé à avouer ton incompétence. J'aurais cru que toi au moins tu te serais intéressé un peu plus à mes recherches. D'autant plus quand on sait que certains de vos laboratoires sont placés dans les ruines d'Alzen, lieu de mon dernier laboratoire... Te tuer serait contreproductif alors que je peux avoir tellement plus. Mais je suis de bonne humeur. Voilà ce que je veux bien te dire, mes expériences depuis la première ce qui remonte à ... je ne m'en sors jamais avec ces années, enfin très longtemps. Toutes ces expériences n'ont qu'un seul et unique but. Une question, simple et complexe à la fois, une question qui m'obsède et dont la réponse est si difficile à obtenir. Je ferais ce qu'il faut pour l'obtenir, c'est pourquoi ta présence ici me ravit.

Le savant reprit son fameux sourire tout en regardant excité son protéger qui se trouvait en face de lui. Lorsqu'on lui avait annoncé la venue du directeur de l'ARK il avait d'autres idées en tête de façon à obtenir ce qu'il voulait, mais là il avait une occasion rêver d'obtenir tout cela d'une manière plus douce. Il regardait toujours amusé Sergueï laissant planer de longues secondes de silence et réfléchissant à la façon dont il allait formuler son désir. La phrase se devait d'être tournée de façon acceptable, mais aussi autoritaire pour accéder à sa requête.

Mad : Il me plairait beaucoup de rencontrer ton patron, faire plus ample connaissance, voir ce que nous pouvons nous apporter l'un l'autre. Je suis sûr qu'il a de grands projets, mais pour mettre de grands projets en place il faut le nécessaire dirais-je. En ce sens je suis sûr que je pourrais être profitable, si cela m'est tout aussi profitable bien évidemment. Oh prend ton temps pour réfléchir, je suis sûr qu'il sera ravi d'entendre ton avis lorsque tu lui rapporteras tout ceci, parce que bien sûr tu lui diras mot pour mot ce que nous nous sommes dit aujourd'hui, je n'en doute pas. Nous désirons tous quelque chose Sergueï, ce qui fait que certains l'ont et d'autre pas, c'est la détermination de chacun. Cela fait des années que ma détermination engloutit celle des autres.

C'est à mon tour de m'excuser ; dame santé et dame canicule n'ont pas été top avec moi cette semaine ><"

Il commença par secouer la tête afin d'affirmer quelque chose qu'il espérait écarter délibérément des discussions à venir.

-Je n'ai pas dans l'optique de devenir le chef de l'ARK. Je ne l'ai jamais eue. J'y suis entré au départ comme épaule pour l'ancienne Cheffe de cette institution, qui désormais n'est plus. Et puis, lorsque qu'on devient Chef de n'importe quoi, l'objectivité sur le monde s'en retrouve complètement anéantie. C'est humain. Et je ne souhaite pas plonger dans un abus de pouvoir qui détruirait ce qui reste d'humain en moi, même s'il s'agit d'émotions futiles pour quelqu'un qui est mort.

Ses énormes épaules se haussèrent pour appuyer ses dires alors qu'un sourire sarcastique fendait ses lèvres.

-C'est toujours plus facile de critiquer le boss quand c'est pas toi qui est sur le trône, logique non ?

Dans un sens, la position d'Andy le rassurait. Il était jeune, vigoureux et suffisamment déterminé pour encaisser toute la misère du monde. Ce gamin avait vécu des choses que ses anciens ne connaissaient pas encore et qui lui permettaient d'affirmer sa supériorité. Peut-être qu'un jour, Andy deviendrait la façade et le cœur de l'ARK, lui permettant de prendre des vacances définitives et bien méritées avec Terek, sa pute préférée.

-Tu parles d'un contrat ? Ce n'est pas à moi d'en prendre la décision mais je ne suis pas encore d'un niveau assez pas dans la hiérarchie pour faire office de pigeon. Tu ne sors peut-être pas beaucoup mais comme tu le sais, la Zone Alzen n'est pas loin.

Il se redressa avant de se relever directement, époussetant ses habits de la pureté stérile de cet environnement qui lui était pourtant si familier.

-Pourquoi ne vas-tu pas proposer ton marché directement à mon supérieur ? Je le connais bien et je suis certain qu'il serait ravi de faire affaire avec toi...et de t'intégrer dans notre prochaine mission...

Sergueï avait fort changé et Maddy n'avait pas prévu ce revirement de mentalité auprès de son protégé. Lorsqu'il l'avait vu il l'avait imaginé comme lui-même; prêt à tout pour le bien de la science, mais le savant s'était trompé. Soit, il n'allait pas renié sa création tant qu'il pouvait lui servir à quelque chose. Vint alors le moment où le scientifique fit remarquer au Mad la possibilité d'aller voir le directeur de l'ARK de lui-même. Le chercheur ouvrit alors grand les yeux dans un air de surprise totale. Dans sa tête dansait de petits corbeaux témoignant de sa grande incompréhension. Il tenta à plusieurs reprises d'appréhender la scène, mais cela lui affichait sans cesse erreur. Aller de lui-même dans la zone Alzen voir quelqu'un qu'il ne connaissait pas et lui parler d'un contrat en lequel il ne croyait pas vraiment. Quelle idée stupide que celle-là, pourquoi diable Maddy se casserait le cul à faire cela ? Alors que son compagnon venait se de lever, le Mad lui emboita le pas. IL alla lentement lui ouvrir la porte tout en continuant la discussion.

Mad : L'avantage d'être le directeur c'est que tu n'as rien à faire toi-même. Donc vu que tu n'es pas le directeur de l'ARK tu as tout le temps de parler à ce dernier et de faire le pigeon voyageur. C'est cela être un subalterne et vu que tu n'as aucune ambition d'aller plus haut tu le resteras. Donc tu peux faire le pigeon voyageur je n'en doute pas. Tu es sur-qualifié pour cette tâche.

Le savant dégaina sa tirade le sourire aux lèvres et l'air aussi moqueur qu'une hyène. Son intervention s'avérait volontairement mesquine dans l'espoir de provoquer un peu l'ambition de sa création. IL ne désirait pas le voir stagner dans un post sans intérêt et délester son immense potentiel pour un abruti qui soi-disant le dirigeait. Soit, il n'allait pas tenter plus que cela, si Sergueï préférait rester amorphe cela le concernait, mais qu'il tente de faire changer Maddy de comportement allait un peu loin. Le pic qu'il venait de lancer cachait aussi une répartie dont le Mad ne faisait pas souvent preuve dans le passé. L'âge le rendait peut-être un peu trop fier de lui-même.

Mad : Alors que comptes-tu faire maintenant ? Repartir à la zone Alzen ? Ce fut un entretien bien court. Maddy posa alors un doigt sur l'épaule de Sergueï le regardant avec force. N'oublie pas que tu es destiné à de grandes choses. Tu n'es pas comme tous ces moustiques qui grappillent leur pain tentant désespérément de vivre. Tu ne dois pas gaspiller ta vie avec ces sentiments stupides et ce manque d'imagination.

Sergueï haussa les sourcils devant la réponse du Mad avant d'étirer un sourire alors qu'il sortait de la pièce. Ils se retrouvèrent dans le couloir qui menait aux laboratoires les plus secrets et les plus dangereux de l'Institut. Et dire que Caleb avait du jouer à cache cache pour atteindre ces laboratoires et rapporter ce qui était utile à Andy !

-Tiens, on dirait que j'ai touché un point sensible.

Il prêta attention au fait que personne ne se trouvait dans le couloir et reprit la parole, même s'il savait pertinemment que même les murs avaient des oreilles. Avoir congédié cette bonne femme d'Almancar ne la dispensait pas de venir l'emmerder avec ses potins et de grappiller quelques détails qu'elle allait vomir dans le Sphera Herald.

-Je suis ta création ; je te dois le respect. Mais je suis employé et payé par le patron de l'ARK, qui n'est pas toi. A moins que « s'il te plaît » ne se dise pas pareil dans le patois Alzénien, je ne crois pas que tu m'aies courtoisement demandé un service.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, il lui tira la langue avant de remettre ses gants de cuir et d'enfiler de nouveau son trench coat. La chaleur de son corps monta d'un cran. Ses paroles donnaient l'impression d'un enfant en pleine crise d'adolescence qui se rebellait contre un tuteur. Ce tuteur lui souhaitait un bel avenir avec de grandes ambitions, un avenir dans lequel il pourrait mourir tranquille en pensant que son fils vivait parfaitement sa vie.

Sergueï soupira, secoua la tête comme s'il était un cas désespéré.

-Je ne suis pas fait pour ça, tu le sais. Je ne pense pas en avoir envie. Si l'ARK atteint son but, je prendrai un repos bien mérité dans les îles Kairos avec mes expériences ratées.

Cette vision irréaliste lui tira un sourire sincère.

-Mon patron aura vent de ta proposition ne t'en fais pas...Je...Je suis content que tu n'aies pas disparu. Je préférerais qu'on se revoie dans un endroit...plus neutre. Là nous pourrons discuter plus longuement du bon vieux temps...

Il balaya ce qui aurait pu être une séquence émotion d'un revers de main.

-Maintenant, je pense prendre discrètement un aéronef et aller aux putes. Tu devrais les goûter, celles de Karnevale Avennue sont excellentes.

De toute évidence Sergueï n'avait pas apprécié la remarque épicée du Mad. Cela l'amusait grandement, il s'agissait des rares petits plaisirs qu'il s'octroyait lorsqu'il ne travaillait pas sur on ne savait quelle expérience. Plus il avançait plus la fin de cette entrevue se faisait sentir. Alors que le jeune homme dédaigna la prédiction de son créateur, il remit à son aise son accoutrement des plus torride. Maddy l'observait d'un air hébété, un vide venait de se faire dans sa tête, il lui arrivait de déconnecté lorsque son cerveau se devait de refroidir ou tout simplement quand la discussion l'ennuyait au plus haut point. Par la suite le savant se remit en marche invitant son compagnon à le suivre.

Mad : Quel dommage qu'on ne puisse discuter plus longuement. Mais bon tu sais à quel point je déteste parler du passé surtout quand celui-ci n'a aucun intérêt. J'ai bien testé, mais visiblement le futur que je t'imaginais ne t'intéresse pas. Peut-être aurais-je du tuer cette femme lorsque tu l'as rencontré. Qui sait tu aurais alors compris l'inutilité des sentiments ainsi que de l'espoir et tout concept humain risible comme le romantisme ou l'avenir. Il n'y a pas d'avenir juste la mort et la conscience qu'on s'en approche, enfin pour presque tout le monde.

Le Mad se mit à ricaner doucement en imaginant la souffrance que pouvait apporter ces concepts au psyché d'un simple humain. La froideur d'un espoir meurtri, l'éloignement d'un futur impossible, le coup de couteau d'un amour brisé, autant d'évènement que le plus grand savant du monde ne pouvait concevoir, lui qui avait tout abandonné au profit de ses recherches et de la science. Puis vint le moment où Sergueï détala la suite de son programme. Une petite balade chez les putes, voilà que Maddy tomba dans une autre incompréhension. Son dictionnaire lui faisait défaut et le mot pute ne ricochait pas dans son immense lexique scientifique.

Mad : Pute ? Voilà un mot qui sonne comme porc, mais qui ne veut pas dire cela n'est-ce pas ? Qu'est-ce donc ? Oh je doute que cela m'intéresse. Je n'ai pas besoin de distraction. Ces derniers temps sont primordiaux, du coup j'évite tout ce qui peut me déranger. Vient je vais t'accompagner à la sortie.

IL continua à marcher en suivant les couloirs jusqu'à arriver à l'ascenseur qu'il appela. Une fois en bas, on rendit à l'invité ce qu'on lui prit, mais la plupart des personnes présentes, étaient intrigué par la présence du directeur que très peu avait vu auparavant. Le voir en dehors de son laboratoire était fort rare d'où l'étonnement générale.

Mad : Rentre bien et à très vite Sergueï.