[Terminé] What are your thoughts ? [PV Ashley]

James Jasper... Le propriétaire d'un magasin d'électronique dans le Quartier des Sciences... Un message à transmettre de la part d'un client. Routine. Surtout que le client en question habitait la nouvelle Alzen également. Mais il était prétendument trop occupé pour aller jusqu'à ladite boutique. Point positif, ça ne lui prendrait guère de temps, et ça lui faisait de l'argent facile. Au final, c'était plus que bénéfique. Une bonne vingtaine de minutes à marcher, la remise du pli au destinataire, quelques politesses, l'attente d'une réponse si besoin était... Retour à l'envoyeur. Par ici la monnaie, bonne journée.

La matinée était déjà bien entamée, le Quartier grouillait donc de gens, tant consommateurs que vendeurs. Clarice se félicita d'avoir troqué sa cape contre un long manteau – étant donné qu'il flottait moins, elle avait moins de risques de se retrouver agrippée par on ne savait quel vendeur vantant un gadget soidisament indispensable, ou par un gadget tout court... Zigzaguant parmi la foule Clarice tenta de se repérer : tourner une fois à droite, prochain croisement encore à droite. Là ! Enfin ! Entre deux bâtiments se tenait la modeste boutique « J. Jasper – Électronique, vente et réparations diverses ». Elle était bien loin d'accrocher autant le regard que certaines de ses consœurs, mais elle était visible, et ce, suffisamment. Rien de ce que l'on aurait pu qualifier de « bling bling » sur la devanture. Adieu les néons fluorescents et de toutes les couleurs possibles sur Sphéra de certains autres magasins. C'était classique, mais très bien.

Les horaires d'ouvertures indiquaient qu'elle pouvait pénétrer tranquillement dans la boutique, nulle crainte d'être prise pour une cambrioleuse. Elle entra donc, silencieuse, regardant de ses yeux pers différents composants électroniques, reconnaissant parfois certains d'entre eux, ignorant l'utilité d'autres. Elle n'était pas scientifique mais messagère après tout.

Elle aperçut au fond une jeune femme qui se tenait derrière le comptoir. Étrange... Son Karnevale ne l'avait pas incluse dans son périmètre d'action. Fronçant les sourcils, Clarice tenta de percevoir quelque chose. Rien n'y fit. Pourtant... Pourtant elle entendait parfaitement les pensées d'un type qui farfouillait dans un rayon, à quelques pas d'elle. Elle s'avança prudemment vers l'inconnue aux pensées indétectables.

« Bonjour ! Est ce que Monsieur Jasper est là s'il vous plait ? J 'ai un pli à lui remettre.»

...Ashley devait s'occuper de la boutique de Monsieur Jasper aujourd'hui, car Monsieur Jasper avait à faire, autre part. Ashley ne savait pas trop où il devait aller, mais elle supposa après quelques réflexions qu'il allait probablement retrouver d'anciens collègues scientifiques. Ashley ne s'en formalisa pas, ce n'était pas la première fois que Monsieur Jasper lui faisait confiance et lui confiait la boutique, elle avait l'habitude de la tenir lorsqu'il le fallait. Et puis Ashley n'avait pas à se plaindre, cela la changeait un petit peu et ce n'était pas quelque chose de très compliqué à faire. Ashley voyait faire Monsieur Jasper tous les jours, alors elle pouvait imiter facilement ce qu'il faisait. Et les clients connaissaient bien Ashley, à force.

Alors ce matin, Ashley avait ouvert la boutique, toute seule, alors qu'il n'y avait encore personne dans les rues. Elle savait que Monsieur Jasper avait l'habitude d'ouvrir la boutique tôt. Et puis, à des intervalles réguliers, des clients passèrent la porte. La boutique de Monsieur Jasper n'était pas immense, mais elle était connue des amateurs et même des autres, en vérité. On venait souvent le voir pour réparer toutes sortes de choses, parce qu'après tout, Monsieur Jasper restait un scientifique connu des habitants. Et puis Ashley savait que ses compétences dépassaient largement celles de l'électronique.

Ashley restait assise derrière le comptoir, ses yeux suivant les mouvements des clients qui entraient, qui sortaient, qui parfois lui demandaient quelque chose ou venaient la voir pour payer ce qu'ils venaient de trouver dans les larges rayons du magasin. Lorsque Ashley était arrivée, au début, et la première fois qu'elle avait dû tenir la boutique à la place de Monsieur Jasper, elle se souvient que les clients n'étaient pas très à l'aise. Après tout, Ashley sait qu'elle n'est pas très bavarde et qu'elle peut sembler un peu bizarre. Mais à force ils s'étaient tous habitués à Ashley et Ashley pense que les gens l'aiment bien.

Le temps passait sans qu'Ashley ne s'en rende vraiment compte, les minutes s'écoulant en même temps que les clients allaient et venaient, la matinée était désormais bien avancée et il y avait beaucoup plus de monde dehors. Et puis Ashley entendit une voix. Ashley leva les yeux de l'objet qu'un client venait d'emmener pour des réparations, une petite console de jeux qui avaient quelques problèmes d’alimentation. Ashley posa le tournevis qu'elle tenait dans les mains et dévisagea un instant la personne qui venait de l’interpeller. Ashley nota avec soin qu'il s'agissait d'une femme, plutôt grande. Une analysée physiologique plus poussée permit à Ashley de calculer qu'elle devait être approximativement âgée de vingt-sept ans. La marge d'erreur était faible.

«...Bonjour...»

Ashley baissa un instant les yeux sur l'appareil qu'elle avait désossé avant de reporter son attention sur la femme et de reprendre la parole sur son ton habituel.

«...Ashley est désolée mais Monsieur Jasper n'est pas là aujourd'hui... Alors il a dit à Ashley de s'occuper du magasin...»

Ashley ne savait pas trop quoi faire car d'habitude, elle avait la chance de ne pas avoir de demandes de ce genre lorsque Monsieur Jasper n'était pas là. Alors, Ashley resta un instant silencieuse, semblant réfléchir. Même si le visage neutre d'Ashley ne l'indiquait peut-être pas.

«...Mais Ashley peut peut-être le prendre à la place de Monsieur Jasper...? Ashley lui donnera lorsqu'il rentrera...»

Ashley baissa les yeux, les laissant se noyer entre deux câbles qu'ils fixaient.

«...Enfin... Ashley ne sait pas si c'est possible...»

À peine la jeune femme qui tenait la caisse du magasin ouvrit elle la bouche que Clarice la classa définitivement comme un être à part. Tout d'abord il lui était impossible d'avoir accès à ses pensées, et ensuite... elle parlait d'elle à la troisième personne, enfin... Elle supposait qu'elle répondait bel et bien au prénom d'Ashley, et que donc, par extension elle parlait d'elle à la troisième personne. Jamais de sa vie – encore considérablement courte du haut de ses vingt sept ans – elle n'avait rencontré quelqu'un qui parlait d'elle de cette manière. Quelque chose clochait chez la vendeuse... Et elle ne savait pas encore quoi exactement.

Clarice était tellement en train de focaliser son Karnevale sur elle qu'elle faillit en manquer les différentes phrases qu'elle prononça, répondant à ses questions. Alors comme ça, son patron était absent... Elle n'avait vraiment pas de bol avec les destinataires en ce moment... L'autre jour, la vieille dame à qui elle devait remettre le colis dormait à poings fermés, aujourd'hui le patron du magasin était parti vaquer à une quelconque occupation extérieure.
Un bref soupir s'approchant de l'exaspération souleva sa poitrine. Ce n'était pas tant le fait que Jasper James soit absent qui l'agaçait, mais l'absence d'accès aux pensées de la demoiselle. Non, clairement, elle n'avait pas l'habitude du tout de ce genre de choses. Même la migraine qu'elle s'était coltinée l'autre jour à cause de la jeune femme copieuse de Karnevale lui paraissait plus sympathique.

Définitivement, elle avait gardé ce trait caractériel enfantin de détester être contrariée. En fait, il s'était même accru depuis qu'elle avait découvert son Karnevale. Adieu le naturel dans les relations avec les autres, et même une simple remise de message était incluse dans ce qu'elle considérait comme relations. Tout était calculé en fonction de ce que les autres répondaient, ses actions se faisaient en conséquence. Là, elle était prise au dépourvu avec une personne fichtrement bizarre, non, clairement Clarice n'appréciait vraiment pas cette situation. Un nouveau soupir l'étreignit alors qu'elle songeait à ce qu'elle allait répondre. Et la dénommée Ashley de la regarder - parfaitement neutre - quand elle soupirait, avant de repartir focaliser son attention sur l'appareil qu'elle bidouillait depuis son arrivée...

~ Reste maitresse de toi, tu vas t'en sortir, après tout, c'est que pour un message, t'es pas là pour copiner ma fille. Contente toi du minimum syndical avec elle. ~

« Ah... et... à tout hasard, il rentre quand votre patron ? »

Non, ça n'allait pas, son ton était bien trop désagréable. Certes elle était de mauvais poil, mais elle n'avait pas pour autant à être à ce point sèche avec Ashley. La pauvre fille n'avait sans doute pas demandé à bloquer son Karnevale après tout. Se radoucissant, Clarice reprit, plus calme.

« En effet, en théorie, je ne remets les messages qu'à leurs destinataires... Obligation professionnelle... Mais s'il n'est vraiment pas là... Peut-être que... »

Prenant une légère inspiration, elle se dit qu'elle pouvait très bien la questionner pour tenter d'en apprendre plus sur elle, et continuer à forcer sur son Karnevale. Après tout... Elle allait peut-être trouver une faille chez Ashley à force de discuter avec elle. Ah quelle ténacité elle avait lorsqu'elle voulait quelque chose. C'était presque effrayant... Surtout pour de simples pensées. Mais voilà, on aime être infaillible ou on n'aime pas. Et Clarice préférait vraiment être de la première catégorie.

« Bien... Euh Mademoiselle Ashley... Vous travaillez ici depuis longtemps ? Vous avez l'air calée en bricolage de gadgets électroniques... Vous avez fait des études pour ça ? »

Ces questions lui serviraient à tenter de la cerner un peu, allonger l'échéance de son départ – lors duquel elle lui donnerait sans doute ce fichu pli si elle avait trouvé une faille pour atteindre ses pensées – mais surtout... La trouver cette foutue façon d'atteindre ses pensées.

...La vapeur caractéristique d'un fer à souder s'éleva lentement dans les airs, entre Ashley et la femme, à mesure qu'Ashley maniait le petit appareil, tout en écoutant les paroles de son interlocutrice. Ashley examina avec soin les mots et le ton de celle-ci, autant qu'Ashley étudiait avec soin les différents fils qui se trouvaient dans le petit appareil électronique. Puis, au bout d'un court instant, lorsque le petit morceau d'étain qu'Ashley manipulait ne fut plus qu'un souvenir, elle reposa avec prudence le fer à souder. Ashley souleva avec soin la petite console pour la lever au niveau de ses yeux, pour s'assurer que toutes les soudures étaient correctement effectuées.

Ashley n'était pas impolie, ce n'est pas pour cela qu'elle ne répondit pas tout de suite à la femme qui lui faisait face. Simplement, Ashley évitait de faire trop de choses en même temps, pour éviter d'être trop déconcentrée. Alors, satisfaite, Ashley reposa le petit objet et reporta son attention sur la personne qui lui faisait face. Elle avait posé beaucoup de questions à Ashley, et Ashley se demanda pourquoi. Après tout, elle avait cru comprendre qu'elle était une messagère. Était-ce une partie de son travail ? Après tout, c'était possible, Ashley ne savait pas tout.

«...Ashley est désolée... Ashley ne sait pas du tout quand Monsieur Jasper rentrera...»

Après avoir répondu à la première question de la femme, ses autres questions traversèrent à nouveau la tête d'Ashley. Par réflexe, Ashley baissa les yeux en direction de l'appareil qu'elle était en train de réparer. Et Ashley se perdit dans des réflexions sur sa vie depuis qu'elle avait quitté les ruines d'Alzen. Ashley avait eu la chance de rencontrer Monsieur Jasper qui l'avait aidée, et elle s'était retrouvée à l'aider également. Après tout, Ashley ne s'étonnait pas d'avoir des affinités avec les appareils électriques et électroniques. C'était un petit peu comme des membres de la famille d'Ashley. Ashley releva ses yeux bleus et profonds vers la femme.

«...Ashley aide Monsieur Jasper depuis huit mois... Une semaine... Et trois jours...»

Ashley pencha légèrement la tête sur le côté, semblant se concentrer et réfléchir un instant supplémentaire, avant d'adopter de nouveau une attitude normale, du moins pour Ashley.

«...Ashley pense qu'il peut peut-être y avoir une marge d'erreur dans ses calculs...»

Ashley se doutait bien que ses réactions n'allaient pas sembler très logiques à une personne qui la découvrait seulement. Ceux qui côtoyaient Ashley depuis son arrivée ici avaient l'habitude et imaginaient que cela faisait partie de la personnalité d'Ashley. Mais là, c'était différent. Ashley reprit dans sa main le tournevis qu'elle avait reposé quelques instant plutôt et revissa la plaque qui permettait de fermer la petite console. Ashley appuya sur le bouton d'alimentation, et une petite musique raisonna entre les murs de la petite boutique, signe que l'appareil fonctionnait de nouveau. Ashley releva les yeux vers son interlocutrice.

«...Ashley n'a pas fait d'études... Mais Ashley lit beaucoup... Ashley vous remercie en tout cas...»

Ashley reposa soigneusement l'objet réparé dans un coin du comptoir, afin que celui-ci soit prêt lorsque son propriétaire reviendrait le chercher, à la fin de la journée. Ashley n'avait pas quitté des yeux l'inconnue.

«...Ashley se demande si vous posez autant de questions à tout le monde... ?»

C'est ce qu'Ashley se demandait depuis le début de leur conversation. Ashley ne savait pas comment l'inconnue allait interpréter sa question, mais Ashley ne voyait dans celle-ci qu'une franche curiosité. C'était comme cela que fonctionnait Ashley.

«...Ashley se demande aussi quel est votre nom... Puisque vous connaissez celui d'Ashley maintenant...?»

Clarice regarda Ashley bidouiller la console un long moment... Sans doute un fer à souder... Elle avait beau être d'Alzen au final, tout ce qui avait tendance mécanique et bricolage c'était pas vraiment sa tasse de thé (et si encore il n'y avait que cela...). Bon... et elle ne répondait pas à ses questions... Un long soupir.
Ah ! Enfin elle daignait parler... et elle ne savait pas quand son patron rentrerait... C'était de mieux en mieux. En même temps, si elle l'avait su, ça aurait été vraiment trop simple. Ça ne marchait que dans les livres l'employée qui pouvait dire exactement quand rentrerait son boss.
En même temps, il était humain ce Monsieur Jasper, il pouvait très bien avoir eu envie d'aller prendre l'air tranquillement, loin de tout le monde... Évidemment ça se produisait le jour où elle avait quelque chose pour lui... Quelle scène clichée.Malheureusement, c'était la réalité, et elle devrait composer avec.

Ses yeux étaient plongés dans ceux de son étrange interlocutrice et elle ouvrit des yeux interloqués lorsque la demoiselle lui donna... une... estimation pour le moins étrange. Depuis quand un être humain normalement constitué savait exactement depuis quand il bossait pour son patron ?! À moins d'en être raide dingue, c'était du jamais vu ! Pourtant, quand elle en parlait elle restait extrêmement neutre... et... ses réponses mécaniques... on aurait dit... un robot ?! Là, Clarice ressemblait clairement à un magnifique merlan frit à la bouche bée. Cligner des yeux et fermer sa bouche. Oui, reprendre un semblant de contenance était primordial à cet instant très précis. Un robot... ça ne pouvait être que ça. Cette façon d'agir, de réagir : une chose à la fois. Même une très bonne machine avait du mal à faire plus d'une chose très importante à la fois... les réponses étranges, la mine neutre à chaque question et chaque réponse, l'impossibilité de lire dans ses pensées... Tout se tenait.
Les scientifiques étaient vraiment des gens terrifiants. Ashley avait tout d'une humaine... à part ses réactions. Et encore, elle se débrouillait bien.

La prochaine réponse lui attira un léger sourire. Ben oui, depuis quand un robot avait il besoin d'étudier ? On lui collait tout ce qu'il fallait savoir en mémoire, comme dans un téléphone, et puis voilà. Roulez manèges. C'était si simple. Elle savait même être très polie. Clarice tira son chapeau à son constructeur. Ashley était, pour ses yeux d'amatrice, une très belle création – bien qu'effrayante, mais ça, ce n'est qu'un détail – .

« ...Ashley se demande si vous posez autant de questions à tout le monde... ? »

De l'art de devenir couleur pivoine, par Clarice Jensen première leçon : à force de poser des questions, un retour tu finiras par te prendre.
Elle haït définitivement son incapacité à lire dans les... euh... les données de mémoire de l'androïde. Oui et non, ça dépendait de ses interlocuteurs en fait. Mais ça, Ashley n'avait pas à l'apprendre. Se composant une mine tout ce qu'il y avait de plus neutre, à l'égal de celle de l'androïde, elle lui répondit calmement.

« Oui, j'en pose autant à tout le monde... ça me permet de juger si je peux laisser en... toute confiance mon pli ou mon colis à une autre personne que le destinataire... Pour éviter de m'éterniser... »

Nouvelle teinte expérimentée pour Clarice, le carmin ! Non définitivement, discuter avec des gens sans pouvoir anticiper quoi que ce soit, elle ne savait vraiment plus le faire, et c'était juste un calvaire parce que ça la mettait dans des situations pas possibles. Il faudrait vraiment qu'elle apprenne à corriger ce défaut, si jamais elle avait le malheur d'avoir à nouveau une rencontre du genre, parce que là, elle avait vraiment l'air ridicule, c'était rien de le dire... Allez, à son tour de se comporter en... humaine de base.

« Je... Je m'appelle Clarice. » Baissant la voix, elle se pencha vers Ashley. « Excusez moi... Vous... êtes pas humaine hein... ? En fait... Vous êtes... un androïde ? Vos réponses... votre façon d'être... Je vous rassure hein... Je compte pas le crier sur tous les toits... C'est... juste pour savoir en fait. Rien... rien de méchant. »

Oui, il fallait l'avouer, Clarice n'était pas franchement rassurée quand même. La curiosité, sa mère lui en avait toujours dit que c'était un très vilain défaut. (Allez savoir pourquoi, elle ne l'avait jamais franchement écoutée...)

«...»

...Ashley resta impassible et profondément silencieuse, les yeux rivés sur le visage de celle qu'elle avait enregistrée comme s'appelant donc Clarice et qui était très proche du sien, désormais. Les yeux d' Ashley étaient plongés dans ceux de la femme qui lui faisait face, mais les pensées d'Ashley étaient ailleurs. Elles étaient loin. Ashley essayait autant qu'elle le pouvait d'être comme une humaine normale, parce qu'Ashley savait qu'elle pourrait avoir des problèmes, sinon. Mais Ashley commençait à se dire que, finalement, elle n'avait peut-être eu que de la chance. Peut-être que toutes les autres personnes qu'Ashley côtoyait n'avait rien remarqué seulement parce qu'ils ne s'y intéressaient pas. Et puis, également, Ashley savait bien que Monsieur Jasper était au courant, même si Ashley ne lui avait jamais rien dit et qu'il ne lui avait jamais rien dit non plus.

Ashley baissa la tête, posant son regard sur des vis et des boulons qui étaient éparpillés un petit peu partout sur le comptoir, perdue dans ses réflexions et ses remises en question binaires. Parfois Ashley était contente d'être incapable d'exprimer des émotions parce que, dans le cas contraire, Ashley aurait probablement été d'une teinte proche de celle qu'avait affiché la dénommée Clarice quelques instants plus tôt. À la place, le visage d'Ashley restait figé dans la même expression qu'il affichait depuis le début, la seule différence résidant dans ses lèvres légèrement entrouvertes. Ashley réfléchissait, essayait de trouver ses mots, mais Ashley ne trouvait aucun exemple auquel se raccrocher. Parce que c'était la première fois que cela arrivait à Ashley.

Puis Ashley releva les yeux sur Clarice.

«...Ashley se demande pourquoi vous demandez cela à Ashley, si c'est juste pour savoir...?»

Ashley avait inconsciemment imité la voix de son interlocutrice du mieux qu'elle était capable de le faire lorsqu'Ashley prononça ces trois derniers mots. Mais après tout, c'était vrai. Ashley trouvait cela logique. Ashley ne posait pas des questions sans aucune raison, même si Ashley avait envie et besoin de connaître beaucoup de choses.

«...Ashley ne sait pas quoi vous répondre...»

Ashley était incapable de gérer correctement les imprévus, et Ashey était encore plus incapable de mentir, parce qu'Ashley était dotée d'une franchise innée imposée par sa structure même. Car après tout, Ashley n'est qu'un ensemble de transmissions d'informations basées sur une logique virtuelle. Et Ashley le sait très bien, si bien qu'Ashley préfère souvent se taire.

Alors, Ashley baissa de nouveau les yeux, pour se retrancher derrière un silence impénétrable.

Ashley caressa du bout de son index un écrou qui se tenait sous son regard, se concentrant sur autre chose afin de laisser le temps au trop plein d'informations qui envahissait sa tête de s'ordonner. Ashley était intelligente, mais Ashley l'était peut-être trop, en fait. C'est ce qu'Ashley finissait par se dire, à force.

Ashley aurait bien voulu essayer de soupirer, elle en fit même le geste, une belle imitation. Mais Ashley n'absorbait pas d'air, les poumons et le cœur artificiels d'Ashley restaient vides et bougeaient seulement grâce à la force du Karnevale qui parcourait le corps d'Ashley.

Le Karnevale d'Ashley... Sans le vouloir, l'écrou qui était en contact avec le doigt d'Ashley se brisa sous une impulsion inconsciente de son pouvoir. Ashley reprit alors la parole, semblant presque s'excuser. Même si cela ne devait pas s'entendre.

«...Ce n'est pas la faute d'Ashley... Ashley n'est pas complète... C'est pour ça...»

Aucune variation dans les traits et les émotions de l'androïde... Aucune... Ah si... ses lèvres légèrement entrouvertes et un silence un peu plus marqué. Son système devait sans nul doute chercher des réponses logiques à lui donner... Elle finit par détourner son regard de celui de Clarice, et cette dernière estima définitivement que la question qu'elle avait posé aurait pu être... énoncée en tant qu'affirmation. Puis elle la regarda à nouveau, et en répliquant... elle... imita sa voix.
Au tour de la messagère d'avoir la bouche entrouverte. Elle allait de surprise en surprise et s'inquiétait des fins auxquelles la jeune Ashley pourrait être utilisée... Certes, ce n'était qu'une simple imitation de voix, mais elle avait sans doute tout un tas d'autres capacités de ce genre en stock... Capacités fortes pratiques et très intéressantes à mettre en œuvre si elle tombait entre de mauvaises mains.

«...Ashley ne sait pas quoi vous répondre...»

Clarice la fixa contempler un écrou, silencieuse, le caresser du doigt. Sa mémoire devait travailler à toute vitesse pour ordonner et choisir une nouvelle phrase. Un soupir mécanique la souleva. L'imitation avec un soupir humain était frappant. Ne manquait que l'air expiré pour le coup... La jeune femme sursauta lorsqu'Ashley brisa l'écrou sous son doigt.

~ Oh putain ! C'est une arme de guerre ou quoi ?! C'est pas un robot tout mignon – si tant est qu'on puisse trouver ça mignon – comme les parents offrent à leurs gosses... C'est certain... C'est pas un simple robot... Bordel... elle l'a réduit en miettes... Est ce qu'avec un truc plus gros elle... Non... faut pas que j'y pense... Faut pas que j'essaie d'imaginer. ~

L'androïde à la chevelure blonde dut se rendre compte de la tension qu'elle venait de créer avec ses actions puisqu'elle prononça une phrase qui pouvait être considérée comme une excuse. Pas au ton employé puisqu'il avait une tendance relativement monocorde... Mais au lexique.

«...Ce n'est pas la faute d'Ashley... Ashley n'est pas complète... C'est pour ça...»

Là... Elle avait arrêté de parler... ça signifiait que c'était à son tour à elle de répondre. Inspirer calmement, mettre à son tour de l'ordre dans ses idées et enfin s'exprimer.

« En fait... C'était par... curiosité... Je ne sais pas si vous comprenez ce que... ça signifie... autrement qu'en sens littéral j'entends... Est ce que... vous arrivez à ressentir quelque chose d'approchant ? Je... n'ai jamais rencontré qui que ce soit comme vous avant. Alors... vous m'intriguez. »

Oui, elle était très curieuse, et malgré son inquiétude à l'égard d'Ashley, elle avait envie d'en découvrir un peu plus sur elle. Savoir à quel point elle avait été travaillée, jusqu'où ses capacités d'imitation de l'être humain pouvait aller...

« Pas complète ? Qu'est ce que... Votre... créateur... Ne vous a pas achevée ? Il manque... des pièces ? Vous... En fait... Je vous trouve... déjà très bien comme ça... »

La voix de Clarice était hésitante, mais également un peu rustre. Elle n'avait pas l'habitude d'avancer à tâtons... De ne pas avoir choisi avec un soin extrême ses mots pour que cela convienne exactement à son interlocutrice. Même si la personne en face n'était pas vraiment humaine, ce n'était pas une raison pour se comporter sans le moindre savoir vivre à son égard. Surtout que les androïdes, ça gardait sans doute tout en mémoire... Donc qu'elle se souviendrait de sa méchanceté si un jour elles se recroisaient... et que ça pouvait lui être préjudiciable.
Clarice se dandina un peu sur ses jambes, mal à l'aise. Finalement, elle allait peut-être finir par abréger cette discussion.

«...»

...Ashley marqua de nouveau un temps de silence. Ashley n'avait pas l'habitude de situations comme celle-ci, où son interlocuteur parlait beaucoup et lui posait plusieurs questions à la suite. Ashley ne pouvait pas se concentrer sur toutes à la fois, alors elle devait les écouter avec soin et les ordonner du mieux qu'elle le pouvait dans sa tête, leur attribuant virtuellement des priorités différentes. Il fallait y aller dans l'ordre. Ainsi, Ashley pouvait réfléchir avec soin à une question à la fois. Cela évitait à Ashley de s'embrouiller et de répondre n'importe quoi. Ashley voulait rester à chaque fois le plus logique possible. Alors ses réactions, bien que lentes, avaient au moins le mérite d'être souvent justes.

«...Ashley sait ce qu'est la «curiosité» et Ashley vous comprend... Ashley est capable d'assimiler beaucoup de connaissances facilement... C'est pour cela qu'Ashley lit beaucoup...»

Ashley posa par réflexe -Ashley était en effet capable d'en avoir- sa main sur un ouvrage qui était posé à côté d'elle, sur le comptoir. Un livre scientifique, puisque c'est ce qu'Ashley lisait le plus, qui traitait de la biodiversité sur Sphéra.

«...Ashley aime beaucoup apprendre des choses... Ashley pense que cela peut-être assimilé à la «curiosité» comme elle existe chez les êtres humains...»

Ashley baissa alors de nouveau les yeux, observant un instant les restes de l'écrou qu'elle avait involontairement détruit. Elle analysa un instant le ton sur lequel son interlocutrice, Clarice, avait posé ses dernières questions, avant de finalement reporter son attention sur elle. Ashley pu déduire de la façon dont la femme parlait et se comportait qu'elle ne semblait pas très à l'aise. La marge d'erreurs était très faible, si bien qu'une certitude pouvait être envisagée. Les yeux bleus d'Ashley recroisèrent le regard de Clarice.

«...Ashley ne manque pas de pièces... Mais Ashley manque de stabilité... Ashley a été équipée de ce que vous appelez un «Karnevale»... Mais le corps d'Ashley a besoin d'être amélioré pour pouvoir correctement le maîtriser... Alors, Ashley reste donc incomplète pour le moment...»

Ashley laissa de nouveau un silence s'installer, réfléchissant sur tout ce qu'elle venait de dire. C'était étrange pour Ashley de se livrer comme cela, mais Ashley estimait que mentir n'était plus utile dès lors que son secret avait été si facilement découvert par la dénommée Clarice. Ashley se demanda d'ailleurs comment celle-ci avait pu le découvrir si facilement. De nouvelles analyses se mélangèrent dans la tête d'Ashley alors qu'elle se souvenait de plusieurs situations où ses interlocuteurs auraient pu avoir un doute, avant de finalement arriver à la conclusion que...

«...Ashley se demande si vous possédez aussi un «Karnevale», comme Ashley... ?»

Et Ashley se souvint de ses analyses précédentes sur le comportement de son interlocutrice. Les yeux d'Ashley parcoururent un instant le corps et observa les mouvements de Clarice avant de se figer de nouveau sur le visage de celle-ci, Ashley reprenant doucement la parole de son ton habituel qu'elle ne pouvait évidemment pas changer.

«...Ashley se demande également si vous avez peur d'Ashley... ?»

Oui... Définitivement, il fallait un temps de « réflexion » poussé à l'androïde pour donner une réponse... pour donner des réponses. Elle retenait beaucoup de choses... Elle devait donc avoir une capacité de stockage assez impressionnante... Et elle aimait lire... La main d'Ashley se posa d'ailleurs sur un livre, comme pour lui certifier qu'elle ne mentait pas... Le goût d'apprendre, la curiosité... Comment un androïde pouvait... Comment était ce possible qu'un androïde puisse... ressentir cela ? Clarice était en pleine vague d'incompréhension. Pour elle... Les androïdes étaient des machines... vouées à la simple exécution de taches. Là... Ashley avait – en dehors de sa façon de parler – tout d'une humaine. Certes, une humaine bizarre, mais... une humaine tout de même.

Elle aurait presque pu comparer en partie son incompréhension à celle ressentie face à la jeune Morgane. Là aussi, il lui avait fallu un temps d'adaptation avant d'appréhender la demoiselle... Encore qu'appréhender était un terme relativement faux au regard de la situation : elle avait juste suivi la jeune femme, se laissant au final porter par ses pensées étranges.
Dans la situation présente aussi elle ne pouvait que... se laisser porter, mais par les mots. Impossible de prévoir quoi que ce soit... La situation était à la fois semblable et extrêmement différente. Différente de par les deux êtres qu'elle côtoyait, mais semblable parce qu'elle ne parvenait pas à comprendre.

Ses sourcils s'arquèrent lorsqu'Ashley évoqua la présence d'un Karnevale en elle. Première nouvelle : Depuis quand un être « non humain » dans le sens d'un être dépourvu d'un cœur organique pouvait-il être pourvu d'un Karnevale ? Jamais elle n'avait entendu parler de cela... D'où venait elle ? Qui l'avait dotée de ce pouvoir ? Et quel était il ? De nombreuses questions se bousculaient dans son esprit. Et bien évidemment, si elle désirait des réponses, il lui faudrait les chercher oralement, la réduisant à une longue conversation, à laquelle la demoiselle pourrait se refuser... Non vraiment, elle aurait grandement eu besoin de pouvoir lire en elle comme dans un livre ouvert... Mais elle devrait pourtant se contenter de ce qu'elle avait...

«...Ashley se demande si vous possédez aussi un «Karnevale», comme Ashley... ?»

Que dire ? La vérité ? Sans doute était ce préférable... Mais elle se contenterait du minimum. Cette conversation pouvait lui être préjudiciable à l'avenir, elle en était certaine. Elle murmura dans un souffle.

« Oui... j'en possède un. »

Se retenir de lui demander quel était son Karnevale. Cela l'entrainerait forcément à l'obligation de révéler le sien, et elle préférait éviter cela. Retenir sa curiosité... Il fallait absolument qu'elle fasse attention. Là, Ashley posa une question à laquelle la messagère ne s'attendait pas : avait elle peur d'elle ?
Oui. Elle était très inquiète depuis qu'elle avait détruit l'écrou comme on aurait pu enfoncer son doigt dans du beurre... Un nouveau murmure soufflé.

« Oui... J'ai peur. Vous êtes... je... Je n'arrive pas à vous comprendre. Peut-être parce que je n'ai jamais rencontré quiconque comme vous auparavant. Et... cela m'effraie... la façon que vous avez eue... de briser cet écrou. Pourtant... vous n'avez pas l'air... malfaisante. Mais... j'ai l'impression que vous êtes... dangereuse si non contrôlée.... Je me trompe peut-être »

~ J'aimerais me tromper... Dis moi que je me trompe, que personne ne risque rien... Si jamais un jour tu perds le contrôle... ~

La question qu'elle retenait depuis un moment franchit ses lèvres sans qu'elle puisse la retenir.

« Dites moi... Quel est votre Karnevale ? »

Clarice mordit aussitôt ses lèvres et ferma les yeux, se traitant d'idiote monumentale.

...Ashley laissa les très nombreuses paroles de son interlocutrice Clarice s'accumuler, s'arranger mathématiquement et logiquement dans sa tête, à mesure qu'elles passaient la frontière des lèvres de la femme, mettant en attente les plus récentes pour se concentrer sur les plus anciennes. Ashley ne s'était pas trompée dans ses calculs -ce qui n'étonnait pas vraiment Ashley, en vérité-, et la jeune possédait donc bien un Karnevale. Déduction logique après analyses poussées. Ashley se perdit un instant dans de nouvelles réflexions algébriques, parcourant aussi vite qu'elle le pouvait les méandres de sa mémoire, jusqu'à retrouver les traces d'une liste -elle ne savait pas si elle était encore d'actualité- des différents Karnevales répertoriés sur Sphéra. Cette liste avait été intégrée en Ashley dans le cadre de sa fonction initiale au sein de l'A.R.K. Une connaissance poussée des Karnevales existants et de leurs utilisateurs lui permettait d'être plus efficace. Des noms et des données cryptées et codées défilèrent encore un instant, invisibles, devant ses yeux, avant qu'Ashley n'entre-ouvre les lèvres et ne laisse échapper dans un murmure le résultat de ses recherches, sans trop s'en rendre compte.

«...Lire...Dans les pensées...»

Ashley cligna plusieurs fois des yeux, comme pour se focaliser de nouveau sur la réalité qui l'entourait, ayant remarqué son égarement et s'excusant d'un regard vers Clarice. Ashley venait de s'intéresser de nouveau aux paroles de la femme qui lui faisait face, et surtout de se rendre compte de sa réponse positive à l'une des questions qu'Ashley avait posée, réponse qui affichait toutes ses craintes. Aussi, Ashley imagina que son égarement soudain ait pu la mettre un peu plus mal à l'aise. Mais la conclusion d'Ashley restait logique. En effet, Ashley n'était pas humaine. Ashley ne possédait pas de pensées, seulement des données. Ce qui était sûrement très différent pour le Karnevale de Clarice. Et ce qui expliquait beaucoup de choses, et surtout son comportement hésitant.

«...Le Karnevale d'Ashley...»

Ashley passa de nouveau un instant à réfléchir. La situation était compliquée et elle ne savait pas si elle serait capable de donner une réponse concrète. Et, surtout, il lui serait compliqué de faire une démonstration de son pouvoir... Ashley pourrait détruire la boutique de Monsieur Jasper, et Ashley ne pense pas se tromper en supposant que dans ce cas Monsieur Jasper ne serait pas très content.

«...Ashley possède un Karnevale de type amenthalysien lui permettant une maîtrise de l'énergie cinétique... Concrètement... Ashley est capable d'agir sur les mouvements et la vitesse des mouvements d'Ashley ou d'autres objets... Mais cela permet aussi à Ashley d'exercer une force plus ou moins importante sur eux... Et de faire ce que vous avez vu faire Ashley involontairement...»

Ashley marqua une pause avant de reprendre.

«...Ashley sait que c'est un Karnevale puissant... Et Ashley sait que son instabilité peut-être dangereuse... Mais Ashley n'a pas encore eu de problèmes... Le Karnevale d'Ashley est sécurisé... Ashley ne peut pas l'utiliser à pleine puissance dans n'importe quelle situation...»

Au moment où Ashley acheva sa phrase, le téléphone posé à côté d'elle se mit à sonner. D'un geste vif, Ashley décrocha. Ashley resta au téléphone quelques instants, ne brisant le silence que de «...Oui...», «...D'accord...» réguliers, avant de finalement raccrocher et de reporter toute son attention sur son interlocutrice, rangeant toute la conversation qu'elles avaient pour le moment du côté des tâches non-prioritaires.

«...Monsieur Jasper a appelé Ashley... Monsieur Jasper dit qu'il sera là d'ici trente minutes... Ashley se demande si vous désirez attendre que Monsieur Jasper arrive...?»

Le silence... Pendant un trop long moment au goût de Clarice, l'androïde resta silencieuse. Et lorsqu'elle reprit la parole, elle lâcha une phrase qui fit l'effet à Clarice d'avoir pris une douche froide. D'où connaissait-elle son Karnevale ?! Certes soit, elle ne cachait pas posséder cette aptitude, mais de là à savoir cette chose alors qu'elle ne la connaissait ni d’Ève, ni d'Adam, il y avait de quoi faire un sacré bond. Que lui réservait encore Ashley ?! Allait elle lui déclamer son identité complète, des particularités médicales ?!
Non, elle n'appréciait vraiment pas tout ce que la vendeuse était capable de faire... L'androïde lui adressa un regard qui semblait lui présenter des excuses, mais ce n'était pas suffisant pour rassurer la jeune femme. Pour un peu, et on aurait pu danser sur le rythme qu'émettaient les battements de son cœur. Il ne fallait pas qu'elle se laisse aller à une trop grande inquiétude... Si Ashley était en « fonctionnement » c'était qu'elle ne représentait pas un si grand danger que cela... Du moins, c'était ce qu'elle désirait ardemment croire en cet instant.

L'attention de Clarice se suspendit ensuite aux lèvres d'Ashley, lorsque cette dernière lui expliqua son Karnevale. Énergie ciné- quoi ? Fort heureusement, elle développa ce que cela signifiait et entrainait. C'était donc grâce à son Karnevale qu'elle avait pu briser l'écrou... Ce n'était donc, de base pas dû à sa nature d'androïde... Un léger soupir de soulagement sortit de la poitrine de la messagère, rapidement remplacé par un pli soucieux sur son front... Ce don possédé était tout de même un réel danger si elle l'activait involontairement... La jeune femme eut la vision soudaine d'un bloc de béton, réduit en poussière...
Apprendre de la bouche de la demoiselle qu'elle était « sécurisée » et ne pouvait donc pas utiliser son Karnevale à pleine puissance quand bien même elle l'aurait voulu lui fit émettre un nouveau soupir de soulagement, plus marqué cette fois ci.
Au moins son constructeur avait eu un tantinet de plomb dans sa cervelle dérangée. Un scénario catastrophe semblait inenvisageable... à part si la sécurité sautait... D'ailleurs... c'était quoi cette sécurité ?

Elle resta immobile et silencieuse, sa question lui brûlant les lèvres tandis que l'androïde avait décroché le combiné du téléphone, dont la sonnerie s'était élevée, quelques instants plus tôt. Sa voix neutre et sans âme répondit brièvement mais sûrement à tout ce que son interlocuteur énonçait... Qui était ce ? Un client ? Le patron de la boutique peut-être ?
C'était le patron de la boutique... Il rentrait dans approximativement une demi heure... Ashley demanda si elle souhaitait attendre son arrivée...

« Oui... Oui s'il vous plait... j'aimerais attendre qu'il arrive... »

~ je lui remettrai son pli en mains propres, et je lui toucherai quelques mots à ton sujet demoiselle... Je pense qu'il est sans nul doute au courant de ce que tu es, mais j'aimerais être certaine que personne ne risque rien à ce que tu restes ainsi en liberté. ~

En attendant, il leur fallait passer la demi heure... Et Clarice avait encore des questions pour la jeune femme.

« Dites moi... Votre sécurité... c'est quoi en fait ? Un mécanisme ? Un programme ? C'est infaillible ? »

Elle faisait de son mieux pour ne pas laisser perler une quelconque inquiétude dans son ton, mais c'était définitif, elle n'était franchement pas à l'aise.

«Ne vous inquiétez pas pour ça !»

...Ashley avait été étonnée de voir Monsieur Jasper passer la porte quelques minutes seulement après son appel. Peut-être les embouteillages dont il lui avait parlé avaient-ils été bien moins importants qu'il ne le pensait en vérité, si bien qu'il pu revenir plus tôt que prévu. Ashley fut également étonnée de voir que la dénommée Clarice ne sembla pas le remarquer. Jusqu'à ce qu'il pose sa main sur son épaule et prenne la parole, évidemment. Enfin, Ashley parlait d'étonnement, mais elle n'en ressentait pas vraiment, en fait. Mais Ashley aimait bien que Monsieur Jasper soit là. Ashley se sentait plus tranquille, car elle savait qu'elle n'avait plus à s'en faire et à réfléchir longtemps pour donner une réponse appropriée, Monsieur Jasper pouvant s'en occuper pour elle.

Ashley aimait beaucoup Monsieur Jasper, et pas seulement parce qu'il avait aidé Ashley. Non, Monsieur Jasper était vraiment un homme bon. Physiquement, Monsieur Jasper était un homme très grand, à la musculature plus développée que les préjugés habituels sur les scientifiques ne le penseraient, si bien que Monsieur Jasper aurait très bien pu opter pour un métier plus physique. Il avait également une barbe soigneusement entretenue qui encadrait son visage et participait à lui donner l'apparence d'un grand ours protecteur. Oui, Monsieur Jasper inspirait tout de suite une grande sympathie. C'est pour ça qu'il avait beaucoup de clients réguliers. Monsieur Jasper attirait à lui seul une grande partie de la clientèle, tant ils aimaient tous converser un instant avec lui. Après tout, Monsieur Jasper était également quelqu'un d'extrêmement cultivé, il ne fallait pas oublier qu'il avait été un des plus grands scientifiques de l'ancienne Tour du Savoir. Il avait beaucoup aidé Ashley à s'habituer à ce Monde et à le découvrir un peu plus.

Et puis Ashley se rappela de la raison pour laquelle Ashley parlait à Clarice depuis un petit moment déjà.

«...Monsieur Jasper... Cette personne a un... Message pour vous... Ashley ne savait pas quoi faire alors...»

Ashley avait quitté le comptoir pour se retrouver aux côtés de Clarice et de Monsieur Jasper, se dévoilant dans sa totalité. Mais maintenant que Monsieur Jasper était là, Ashley était soulagée de pouvoir mettre fin à toute cette conversation. Après tout, maintenant, Ashley n'avait plus aucune raison de parler et donc pouvait se taire et laisser faire Monsieur Jasper. Ce qui lui éviterait probablement beaucoup d'ennuis. Monsieur Jasper vint se placer aux côtés d'Ashley, posant sa main sur son épaule et la rapprochant de lui, ne quittant pas des yeux la femme, l'observant derrière ses lunettes.

«Oh eh bien, dans ce cas, je suis désolé de vous avoir fait attendre !»

Le ton de Monsieur Jasper se voulait chaleureux, mais Ashley se demanda un instant quelles allaient être ses réactions futures. En effet, à la vue du moment où Monsieur Jasper était arrivé, il était clair qu'il avait pu aisément comprendre la situation en entendant les dernières phrases prononcées par Ashley et Clarice. Ashley espérait que Monsieur Jasper ne serait pas trop en colère. Après tout, quelqu'un d'autre connaissait le secret d'Ashley maintenant...

Ashley leva les yeux vers le visage de Monsieur Jasper, et aurait sûrement été explicitement inquiète si elle avait pu ressentir et exprimer ce genre de sentiment. Mais Monsieur Jasper était comme à son habitude, souriant et impassible. Ashley ne pouvait pas lire dans les pensées comme la dénommée Clarice le pouvait, mais assurément, si Ashley pouvait voir ce qu'il y avait dans la tête de Monsieur Jasper, cela ressemblerait probablement à un vaste océan paisible et insondable.

Une profonde plénitude qui cacherait bien ses mystères.

Une main se posa sur son épaule, la faisant sursauter, tant elle ne s'y attendait pas. Elle s'était totalement focalisée sur Ashley qu'elle s'était inconsciemment coupée du monde extérieur, perdant de vue et de perception tous les autres êtres vivants qui l'entouraient. Un glapissement étouffé s'échappa des lèvres de Clarice. Elle venait d'avoir une de ces frousses ! Son teint vira à l'incarnat aussi sec, symbole de la honte qu'elle ressentait à cet instant. Elle venait de se faire surprendre comme une gamine à qui on aurait voulu faire une farce, et Clarice exécrait le fait de se faire surprendre. Quand on peut lire dans les cervelles des personnes à un kilomètre à la ronde être « victime » de la surprise était on ne peut plus cocasse.

Calmant son cœur qui battait à la chamade, Clarice détailla la personne qui avait osé lui faire cette mauvaise vanne.
Un homme, très grand – plus grand qu'elle, qui passait pourtant déjà pour une géante avec son mètre quatre vingts – bien bâti, sans pour autant être trop musclé, portant une barbe qui lui donnait un air jovial et protecteur. Il inspirait la sympathie, bien que selon Clarice, il ne faille nullement se référer et se tenir aux apparences.

Ashley leva le mystère de son identité. C'était donc le fameux Monsieur Jasper. Il ne ressemblait nullement au portrait qu'elle s'était fait de lui. Elle pensait l'homme chauve, avec de grosses lunettes du genre cul de bouteille, vêtu d'un pull trop grand pour lui... Un petit papi paisible, qui tenait sa boutique, partant sur ses vieux jours. Bref, elle s'était trompée en beauté.
L'androïde annonça ensuite à son patron pourquoi elle se trouvait ici et elle ne put qu'incliner légèrement la tête en signe d'assentiment, alors que Jasper s'excusait de l'attente qu'il venait de lui causer.
Très calmement, son professionnalisme retrouvé, Clarice sortit le pli de sa cape et le tendit à son destinataire.

« James Jasper, voici un message que je dois vous remettre. Veuillez accepter d'accuser réception de ce dernier pour le cas où son émetteur me solliciterait à ce sujet. »

Elle lui tendit un crayon et un petit calepin où il devait apposer sa signature, pour certifier que le message lui avait bien été remis. Une simple formalité administrative, mais qui permettait à Clarice de prouver sa bonne foi et son travail accompli. Quitte à faire, si elle voulait continuer à gagner sa croûte, elle se devait d'être irréprochable – ou presque – et de garder une trace de ses « transactions ».

Se mordillant doucement la lèvre inférieure alors qu'il s'en saisissait doucement, elle lâcha à nouveau la question qui la turlupinait avant qu'il arrive.

« Vous avez dit que je n'avais pas d'inquiétude à avoir... Mais pourrais je... avoir quelques précisions tout de même ? Ce n'est pas rien son pouvoir... Je sais que ma curiosité doit vous paraître bien malvenue... Et, je m'en excuse... Mais je ne peux me contenter de demis phrases, de demis mots. Je sais garder des informations pour moi, la preuve en est mon métier... »

~ Bon, on évitera de parler de ma tendance à fouiner dans les plis du temps du règne de l'Empereur afin de transmettre des informations aux rebelles... parce que c'était... euh un autre temps, et la fin justifiait les moyens. ~

Elle ne pouvait pas forcer la main à Jasper, et s'il lui indiquait de prendre la porte, elle la prendrait, en notant bien ne jamais remettre les pieds dans cette boutique.

...Calmement, Monsieur Jasper se saisit du carnet que lui tendait la messagère ainsi que du stylo qui l'accompagnait. Monsieur Jasper y apposa lentement sa signature alambiquée avant de redonner le tout à la femme et de finalement prendre possession du message qui lui était destiné et qui avait attendu longtemps de pouvoir finalement arriver à sa destination. Monsieur Jasper examina un instant l'enveloppe, et Ashley l'imita, du coin de l’œil. Ashley ne fut toutefois pas en mesure de clairement distinguer les annotation qui couvraient l'une des faces de l'enveloppe, Monsieur Jasper l'ayant rapidement rangée dans l'une de ses poches. Ashley lui demanderait plus tard ce dont il était question dans ce message, elle ne pourrait de toute façon par résister à cette envie.

Ashley reporta alors son attention sur Clarice, qui avait repris la parole entre-temps. Vraisemblablement, elle tenait vraiment à en savoir le plus possible. Ashley entrouvrit les lèvres, prête à répondre.

«...Ash...»

Ashley fut coupée dans son élan par Monsieur Jasper qui venait de reprendre également la parole, ayant sorti un livre de la petite sacoche qu'il avait avec lui, et s'adressant à Ashley à qui il venait de le remettre avec un large sourire.

«Tiens Ashley, c'est pour toi. Tu as bien travaillé, alors tu l'as mérité. Laisse-moi faire maintenant.»

Ashley resta un instant silencieuse, les lèvres toujours bloquées dans leur mouvement initial, ses yeux qui auraient voulu briller allant du livre au visage de Monsieur Jasper. Elle acquiesça finalement, aussi heureuse que la condition d'Ashley lui permettait de l'être et de le montrer, tournant le dos à Clarice et Monsieur Jasper et s’engageant dans l'escalier qui se trouvait un peu plus loin et qui menait à l'étage de la boutique, là où se trouvaient leurs appartements. Le bruit des bottes d'Ashley sur le bois des escaliers résonna un moment avant de finalement disparaître.

Monsieur Jasper, lui, reporta son attention sur la messagère, l'observant un long moment silencieusement, les yeux dans les yeux. Finalement, son sourire se fit plus large alors qu'il se postait derrière le comptoir précédemment occupé par Ashley, son regard ne quittant toutefois pas celui de Clarice.

«Oh, je veux bien vous croire ! Mais même si cela n'a rien de comparable à des messages du temps de l'Empire, je préférerais ne pas m'y risquer.»

Un rire franc mais léger s'échappa de la gorge de Monsieur Jasper alors qu'il s'adossait au mur de la boutique, les bras croisés. Il reprit ensuite la parole mais, même si son visage était toujours barré du même sourire, son ton se fit plus sec.

«Encore une fois, je suis désolé de vous avoir fait à attendre, et je ne vais donc pas vous retenir plus longtemps, d'autant plus que j'ai moi-même beaucoup de travail.»

Il salua d'un geste de la main un homme qui venait de pousser la porte de la boutique puis adressa un dernier regard à Clarice.

«N'ayez toutefois pas peur de revenir nous voir dans d'autres circonstances, vous connaissez l'adresse désormais, Mademoiselle Jensen.»

Sur ces mots il se redressa et focalisa toute son attention sur l'objet à réparer qu'on venait de lui remettre.

Jasper avait quelque chose de bizarre, mais pour le coup Clarice ne sut dire quoi... il signa le carnet avant de lui rendre, silencieusement. Il ne réfléchissait pas à ce qu'il allait répondre à la messagère... est ce que tout était déjà en place ? Il n'ouvrit nullement ce qui venait de lui être remis, se contentant de jeter un œil aux annotations, qui le renseignèrent juste sur l'identité l'émetteur. Rien ne transpirait – à part le nom de l'homme – à ce sujet dans son esprit. C'était comme s'il s'efforçait de ne rien penser afin de lui cacher toute information. Comme s'il savait qu'elle pouvait lire en lui... Pourtant Ashley n'avait pas pu lui dire quoi que ce soit... elle n'en avait pas eu l'occasion... Alors comment... ?

Le patron du magasin tendit un livre à sa protégée pour la récompenser et en même temps l'éloigner d'eux. Ça ne sentait pas bon du tout ça. La messagère porta doucement la main à la dague qu'elle avait en permanence – que ce soit à l'intérieur de sa cape, ou pour l'heure dans une poche de son manteau – sur elle. L'aimable patron de la boutique d'électronique pouvait très bien se transformer en bête de combat en un rien de temps, et quitte à faire, autant ne pas être désarmée et sur la défensive. Une aura étrange flottait autour de lui – du moins c'était le ressenti de Clarice – et cela mettait la jeune femme mal à l'aise.
Il n'était pas qu'un simple commerçant, il y avait sans conteste autre chose... Quelque chose de bien moins sympathique... Un secret à cacher peut-être ? Impossible de le déterminer tant il semblait hermétique en cet instant.

L'androïde prit le livre sans un mot, se contentant d'acquiescer, et les quitta, sans plus de cérémonie. Elle n'avait pas salué la messagère... Pourquoi l'aurait-elle fait d'ailleurs ? Après tout, elle n'était pas une cliente, mais une importune, une curieuse qui avait sans doute plus été une gêne que quoi que ce soit d'autre.
Clarice reporta son regard sur Jasper alors qu'Ashley disparaissait de sa vue. Elle éprouvait un certain soulagement de ne plus la savoir près d'elle, cependant... rien n'indiquait qu'elle soit en sécurité... Ce dernier se mit à la fixer longuement... La sondait-il ? Elle avait l'impression d'être face à un livre cadenassé, alors que lui... Lui semblait voir en elle comme dans un livre ouvert. Perçut il la pointe d'agacement mêlée d'une boule d'appréhension qu'elle ressentait ? Impossible de le savoir.
Il repassa derrière le comptoir de son magasin, la regardant toujours. Son sourire s'était agrandi. Étrangement, Clarice eut l'impression fugace d'être une souris imprudente piégée par un chat très malin. L'impression se confirma l'instant d'après...

«Oh, je veux bien vous croire ! Mais même si cela n'a rien de comparable à des messages du temps de l'Empire, je préférerais ne pas m'y risquer.»

Le rouge monta à nouveau aux joues de la messagère... Comment pouvait-il... ? La lumière se fit lorsqu'il daigna lui offrir une brève réponse mentale... Les yeux de la jeune femme étincelèrent d'une lueur furieuse. La nouvelle réplique de Jasper acheva de planter le clou qu'il avait commencé à enfoncer précédemment en elle. Elle venait de se faire moucher en beauté... Et voilà qu'il lui indiquait poliment mais fermement de prendre la porte. Elle n'avait pas le choix et pas l'envie de démarrer une confrontation. Elle avait surtout conscience qu'elle ne serait nullement à son avantage et qu'elle était la seule à risquer ses plumes dans l'affaire. La prudence était de mise sous la menace voilée qu'il venait de proférer. S'efforçant de demeurer aussi calme que possible, elle hocha très lentement la tête, signe qu'elle avait compris, et commença à reculer lentement, son regard cependant toujours aussi étincelant.

« Je vois... Je ne peux que m'incliner. Bonne journée Monsieur Jasper. Merci de votre... aimable proposition. »

Son ton avait été sec et légèrement ironique, et elle savait qu'il l'avait perçu, de toute manière, cela avait été fait pour. Elle prit la porte, calme et raide. Elle ne remettrait pas les pieds dans cette boutique. Même pour tout l'or du monde.