Coming Home [Andy]

Pam pam pam. Ça c'est les pas d'Elly dans les couloirs. Pam pam pam. Ça fait une jolie petite musique qui dit «Je suis là !». Elle se demande si les murs la reconnaissent encore, après tout elle a un petit peu changé quand même. En tout cas elle, elle les reconnaît, et elle est contente Elly. Elle marche, elle marche, et elle a un grand sourire. Ça faisait quand même longtemps qu'elle n'était venue !

En vérité, c'est la première chose qu'elle voulait revoir. Elle a été un peu désobéissante là, mais tant pis, elle y tenait vraiment. De toute façon elle a le droit, elle est grande maintenant. Enfin, elle aimerait bien !

Elizabeth renouait avec les couloirs du principal laboratoire de l'A.R.K. C'était comme un vieil ami qu'on prenait plaisir à redécouvrir. Une joie pure envahissait son cœur de petite fille. Une joie simple, si simple, du genre de celle dont les adultes ont oublié l'existence. Elle longeait les murs, comme pour s'amuser à se souvenir de nouveau de chaque fissure, pour s'assurer qu'elle se souvenait bien de toutes.

Absorbée dans ses pensées, Elizabeth continua de marcher, rêveuse. Et elle fût finalement sortie de sa torpeur lorsqu'elle heurta quelqu'un qui venait de se dresser devant elle.

Dans un réflexe reptilien, son Karnevale s'activa de lui même, bloquant le temps autour d'elle durant une fraction de seconde qui aurait pu sembler une éternité, avant de finalement laisser de nouveau les minutes s'écouler.

Bon, elle était toujours aussi gauche par contre.

Andy quittait rarement son bureau en ce moment, écroulé sous une paperasse qu’il refilerait probablement à Sergueï dans les prochains jours au vu du peu d’enthousiasme dont il faisait preuve actuellement. Il ne pensait qu’à ses objectifs qui se rapprochaient de lui chaque instant, lentement mais sûrement. Et même s’il demeurait impassible en apparence, il jubilait intérieurement.

Et pendant qu’il se dirigeait vers un laboratoire secondaire pour réclamer le rapport d’un groupe scientifique qui commençait à trainer en longueur dans son travail, il fut percuté de plein fouet par un truc non identifié qui venait de débouler de l’angle du couloir. C’était absolument invraisemblable. Les cobayes détraqués étaient pourtant censés rester enchaînés dans leurs cellules respectives… encore cette sale gamine inutile à la couleur de cheveux improbable qui s’amusait malgré la petite leçon qui lui avait été donnée ? Non.

Ce n’était pas elle. Et d’ailleurs, il n’avait jamais vu cette personne. Il daigna poser le regard sur elle, et l’observa, de haut, d’un air empli d’un mépris certain. Pas une excuse, pas une inclinaison de la tête, aucun respect témoigné vis-à-vis du boss de l’ARK que personne ne s’était permis de bousculer de la sorte jusqu’à présent.

« Je pensais pourtant avoir éliminé tous les parasites laissés par Valentina. Mais apparemment non. »

Il n’était même pas certain que cette fille était à Valentina. Mais ça n’avait pas d’importance ; quelle que soit la raison de sa présence ici, il était absolument hors de question pour lui de tolérer l’existence de tels éléments gêneurs. Alors il l’attrapa fermement par le col et la souleva, plantant son regard dans ses yeux.

« Mais je te laisse le choix. Soit je t’envoie te faire charcuter en laboratoire, soit je te tue tout de suite. »

«Aaaaaaaïe...»

Elizabeth venait de quitter le sol sans avoir rien demandé à personne. Ayant mis un peu de temps à comprendre, elle se contenta sur le coup de gémir. Elle avait pas envie de voler et en plus ça lui faisait mal. Elle se débattit un moment, fixant l'homme qui la tenait, écoutant d'une oreille distraite ce qu'il disait, plus occupée à essayer de se dégager de son emprise.

«C'est méchant...»

Et, alors que les larmes lui montaient aux yeux, son Karnevale s'éveilla de nouveau, figeant le temps et les mouvements de l'homme, le temps (et c'est le cas de le dire) pour elle de se dégager de sa poigne et de tomber par terre, libre au moins. Avec sa force en mousse, elle aurait eu bien du mal à faire le poids, toute seule.

Elle se releva au moment où le temps s'écoula de nouveau normalement. Elle s'éloigna de quelques pas et leva les yeux vers celui qui lui faisait face, essayant de sourire pour faire la grande. Parce que les grands ils sont toujours super confiants et ça impressionne.

«Moi, j'ai pas peur des laboratoires ! Et j'ai pas peur de toi non plus, d'abord ! De toute façon je t'ai rien fait !»

C'est vrai, elle ne voyait pas où était le problème. C'est chez-elle de toute façon.

Comme il s’y attendait, la jeune fille ne fit que répondre par des gémissements. Mais d’une façon étonnamment enfantine. Il resta de marbre devant sa détresse et maintint sa poigne. Il n’avait même pas envie de savoir ce qu’elle faisait là et pourquoi, puisqu’il savait déjà que c’était précisément le genre de personne qu’il ne supportait pas. Et il n’y avait plus personne pour contester cela.

Mais d’un coup, la jeune fille disparut et réapparut instantanément devant lui. Andy regarda sa main, avant de reporter son regard sur la demoiselle, l’expression neutre. Il n’en pensait pas moins, cependant. Karnevale de téléportation ? Non, impossible. Si sa mémoire et ses répertoires ne lui faisaient pas défaut, ce karnevale appartenait à une résidente d’Opale à plein temps et cette fille ne correspondait absolument pas à la description. Mais alors que venait-elle de faire au juste ?

Elle recommença à parler comme une enfant gâtée, et Andy l’observa longuement, réfléchissant un moment. Il y avait quelque chose d’étrange, qu’il ne saurait expliquer que d’une seule manière. C’était peut-être bien ce qu’il pensait. Il se pencha alors vers elle en scrutant le fond de ses yeux.

« C’est quoi, ton nom ? »

Elizabeth sursauta lorsque l'homme se pencha vers elle, prête à... À elle ne savait pas trop quoi mais elle le ferait quand même en cas de danger.

«Moi c'est Elly...zabeth.»

Elle avait hésité un instant avant de finalement arriver à la conclusion qu'il était plus poli de donner son prénom entier plutôt que juste son surnom. Parce que la politesse c'est important, même avec les méchants. Et puis elle se dressa d'un coup, comme illuminée d'un sursaut d'intelligence.

«Ah ! Mais ça c'est juste mon prénom ! Mon nom c'est Evans !»

Elle se sentait intelligente sur le coup, d'y avoir pensé. Autant faire ça bien. Elle soutint un instant le regard de l'homme, le dévisageant en passant, ce qu'elle n'avait pas vraiment pris le temps de faire pour l'instant. Et finalement, elle eu une nouvelle illumination.

«Oh ! Mais je te connais ! Tu es An...An...»

Elle hésita un moment sur la prononciation... Et aussi parce qu'elle ne se souvenait que vaguement de l'identité de son interlocuteur, en vérité.

«...die ?»

Mmh, non, ça sonnait pas bien, ça devait pas être exactement ça.

Au fur et à mesure qu’elle parlait, ses soupçons se confirmaient. Sa seule manière de parler était étrange dans la mesure où il croyait entendre une enfant de six ans dans un corps de femme de vingt ans. Mais lorsqu’elle lui dit quel était son nom, il eut un déclic. C’était donc bien elle.

« Très bien… Elizabeth Evans, maître du temps… »

On lui avait souvent parlé d’elle. Et il l’avait déjà croisée à plusieurs reprises, mais son apparence n’était pas tout à fait la même à ce moment-là. Sa maîtrise du temps était quasiment nulle, mais son pouvoir était sans aucun doute l’un des plus puissants qu’on ait vu à Sphéra. Ce n’était qu’une gamine, après tout. Mais maintenant qu’elle était là, il ne la laisserait pas lui filer entre les doigts.

Toujours penché vers elle, il esquissa un léger sourire, pourtant accompagné d’un regard vide, qui ne montrait donc aucune sympathie. Il ne voyait pas Elizabeth comme une personne à part entière mais comme une arme à exploiter autant que possible. Et il comptait bien en faire sa propriété. En revanche, la présence de cette fille en ces lieux en impliquait probablement une autre… un peu plus gênante.

« Peux-tu me dire où est Valentina ? »

Il se souvenait qu’elles étaient parties ensemble. Alors si elle aussi était de retour, il lui faudrait l’écarter de son chemin sans attendre.

«...Ah...!»

Elizabeth recula légèrement parce que l'homme était un petit peu trop près d'elle. Mais non, Elly elle avait pas peur. Surtout pas s'il voulait s'engager sur ce sujet là. L'expression sur son visage se fit plus assurée alors qu'elle souriait largement. C'était pour se donner un vrai air d'adulte confiante.

«Non.»

En fait, c'était bien qu'il en parle. Parce qu'évidemment, il ne fallait pas être super intelligent pour comprendre qu'Elly n'était pas revenue toute seule, ça aurait été trop difficile. Alors bien sûr qu'elle savait où elle était. Et elle savait beaucoup d'autres choses aussi.

«Mais grande sœur Valentina elle a dit que tu aurais pas besoin de la chercher. Elle a dit que vous vous reverriez bientôt !»

Elly était fière de s'être souvenue de tout ce que grande sœur Valentina lui avait dit. Alors elle continua de parler avec un grand sourire d'enfant. Le sourire de la petite fille qui a hâte que Noël arrive vite.

«Mais elle a dit que c'était une surprise ! J'aime bien les surprises, moi.»

Bientôt ? Une surprise ? Les paroles de la jeune fille auraient pu être vides de sens si ça n’avaient pas été au préalable celles de Valentina. Que prévoyait-elle de faire ? Reprendre sa place de force ? Si ce n’était que ça, ce n’était pas un souci. Ce n’était pas cette gamine qui détruirait ses ambitions… mais c’était étrange. Cette hypothèse ne tenait pas debout ; Elizabeth ne serait pas ici, sinon. Lâcher sa petite protégée dans une cage à lion n’était sans doute pas quelque chose que Valentina ferait. Mais Andy n’avait pas l’intention de se contenter d’une explication aussi floue et négligée. Quand bien même cette fille n’était qu’une enfant stupide, elle savait tout. Il en était persuadé.

« Réponds-moi. »

Sa main s’abattit sur son épaule, l’autre attrapa son col, et son expression redevint totalement neutre. Elizabeth était peut-être précieuse, mais rien ne l’obligeait à la traiter comme une reine. Alors il planta l'aiguille d'une seringue dans son cou, dissimulée dans sa manche, qui contenait un annihilateur de karnevale, afin qu’elle ne puisse plus lui échapper.

« Où est Valentina ? »

Valentina avait beau n’être qu’une gamine immature, cette erreur de la nature devait disparaître.

-Ah tiens, patron, je voulais vous parler.

Evidemment, comme souvent en ce moment, Sergueï avait une nouvelle assez salée à annoncer à son Boss. Il venait d'apprendre de source sûre que l'ARK allait bientôt être en très mauvaise posture. En effet, Raziel n'était pas mort, il respirait même assez bien pour envoyer une taupe dans leurs quartiers afin de faire sauter tous leurs dispositifs.

Ainsi, cette vermine de Caleb les avais trahis. Il lui faisait confiance, il lui avait envoyé une somme d'argent considérable pour ses services, en fonction de la prise de risque. Mais désormais cette petite saloperie de Raziel possédait des informations capitales sur ce qui se passait dans l'internat, sur ce qui se passait dans l'Institut, et finalement sur ce qu'il se passait à l'ark.
Toute leur image allait être discréditée...Et ça, ça sentait mauvais.

Fort heureusement, il y avait au moins une bonne nouvelle dans l'histoire : la mort de Caleb était proche. Ce microbe s'était installé à Alzen et il allait le dépecer.
Toutes ses pensées furent interrompues par la vision d'une petite demoiselle que Andy semblait prêt à tuer sur place.

-Qu'est-ce qu'il se passe, elle fait pas son boulot correctement ?

«Uh... Uuuuuh...»

Elizabeth avait peur, parce qu'elle était petite et que ça faisait mal. Il fallait pas être méchant avec les plus petits, c'était mal et trop facile. C'est ce qu'Elly aurait voulu dire, mais c'était un petit peu trop difficile là. Une larme roula sur la joue d'Elizabeth alors qu'elle essayait de se débattre même si elle arrivait pas à faire grand chose parce qu'elle est pas très forte.

Et puis elle entendit une voix familière et essaya de tourner un peu la tête pour voir de qui il s'agissait.

«...Ah...»

Profitant de l'effet de l'arrivée de Sergueï, parce qu'elle était maligne quand même, elle parvint à se dégager et à filer se réfugier derrière lui, pour être plus en sécurité.

«Uuuuuh, tonton Sergueeeeï... Il est méchant avec Elly... Mais j'ai rien fait...»

Le cœur d'Elly battait tout fort. Pourquoi les grands ils étaient toujours méchants, d'abord ?