Bouquet Mystère. [Caleb-kun]

La pause midi se termine, et mon joint vient seulement de commencer. Mes joues se creusent quand je tire ma latte. Je regarde les élèves se presser vers les salles de cours. Je bats de cils au mascara mal appliqué avec une vivacité cadavérique.

Une tache percute mon champ de vision. Le même pion qui avait failli me causer pas mal d’ennuis la dernière fois, toujours pour mon herbe, ou peut-être bien que j’avais oublié de foutre un sous-vêtement ce jour-ci. Je me lève avant qu’il ne m’interpelle, et je tourne suffisamment la tête pour que mon visage ne soit pas visible, et surtout le spliff qui en sortait.
Le surveillant marche vers moi, j’ai les boules. Mon regard se lève et j’hausse un sourcil habillé de métal. Un pensionnaire avec une gueule de victime semble chercher sa salle. Ou alors il est paumé, quoiqu’il en soit le panneau indicateur « PIGEON » au dessus de sa tête m’a rassurée.

- Hé José, tu veux bien me tenir ça quelques minutes ? T’emmerdes pas avec tes mains, en bouche ça tient très bien aussi.

Et sur ces mots le joint passe de mes lèvres aux siennes, pendant que ma main s’agite fébrilement sous mon haut. J’ai sorti un sachet d’une vingtaine de grammes de mon soutif et l’ai mis entre ses paumes. Je lui ai souri, laissant apparaître des fossettes aux commissures de mes lèvres, en fermant ses doigts.

- Tu serais adorable. Ah, et ne lâche rien, mots ou substance. Sinon ta bouille d’amour pourrait être endommagée.

J’ai tiré sur sa joue et secoué. Puis, quelques mètres plus tard je me suis assise dans un coin plus protégé, histoire de guetter le retour du pion ou la trahison de mon bouc émissaire.

Trop bon trop con.

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Code couleur Cendrillon : #aaff00

Caleb venait de finir de manger, et c'est heureux qu'il se dirigeait vers son premier cours de l'après-midi. Il allait avoir mathématiques avec Monsieur Taylor, et Caleb aimait bien les mathématiques. Mais alors qu'il marchait dans le couloir l'air heureux, une grande fille vint le voir. Il la reconnut, c'était Cendrillon. Elle était plus âgée que Caleb, mais il connaissait les noms de pratiquement tout le monde dans le pensionnat.

"Non, moi c'est pas José c'est -"

Mais il n'eut pas le temps de finir qu'il se retrouvait avec quelque chose entre les lèvres. Coupé dans son élan, il aspira la fumée et se mit à tousser. Cendrillon lui laissa un paquet dans les mains, et sur un dernier conseil repartit.

"Cendrillon -"

Mais elle était déjà loin. Caleb ne savait d'ailleurs pas comment l'appeler... Elle avait l'air trop vieille pour l'appeler 'Cendrillon chan', et pourtant ne serait-ce pas déplacé de l'appeler 'Cendrillon san'? En tout cas, il avait un paquet de ce qui ressemblait à de l'herbe dans une main, et une sorte de cigarette dans l'autre. Il ne pouvait pas garder ça, c'était interdit de fumer dans les couloirs! Mais en même temps, Cendrillon lui avait demandé de les garder, alors il ne pouvait pas tout jeter...

Dans une impasse, paniqué, Caleb rentra dans les toilettes d'à côté. Il ne savait pas très bien ce qu'il attendait, mais il attendait. Le bruit du couloir s’atténua un peu, signe que les élèves rentraient en classe. Ah! Il allait être en retard au cours de monsieur Taylor!

Complètement paniqué, Caleb sortit du couloir prudemment. Il espérait retrouver Cendrillon rapidement pour retourner en cours...

Wow. Dans le genre balai dans le cul, ce mec avait l’aspirateur et tout le kit de la ménagère assorti avec.
Je l’ai regardé s’éloigner vers les chiottes criblées de bites au marqueur et de chewing-gum en me grattant les dreads à travers un bonnet qu’il était bien évidemment interdit de porter dans l’enceinte de l’établissement.

Le pion m’a rattrapée, je lui ai adressé le sourire le plus clean que j’ai pu et il m’a plus ou moins laissée tranquille, l’air suspicieux. Le pigeon s’éloignait de son refuge provisoire avec une cérémonie de précautions que j’arrivais pas vraiment à saisir. Toujours est-il que mon matos n’était pas gratuit, et que je préférais ne pas le laisser indéfiniment dans les mains de quelqu’un d’aussi…naïf. Je suis arrivée dans son dos, lui ai pris le sachet des mains.

-Bouh.

Je me suis demandé quels genre de détails cocasses étaient à même de l’embarrasser, quand soudain je me suis plutôt dit qu’il fallait se demander l’inverse. J’ai porté ma main à celle du garçon qui tenait le joint éteint. Je l’ai allumé et porté à ses lèvres.

-Tu sais que tu sors des toilettes des filles au fait ?

Une petite incitation à tirer sur le pétard qui n'allait pas se fumer tout seul entre deux bouts de phrase.

- Enfin, ça doit pas trop te déranger chuppose..L’habit fait pas le moine, mais pour le cas du pédé, ça en dit quand même beaucoup. J’dis ça j’dis rien. Tu t’étouffes pas mec ?

I'm so ugly, that's okay, cause so are you, broke our mirrors, sunday morning is everyday for all I care.

Il sursauta quand Cendrillon arriva par derrière. Elle reprit enfin ce qui lui appartenait, et une fois de plus, avant de pouvoir protester, il se retrouva avec cette sorte de cigarette à la bouche. Il voulut l'enlever, mais Cendrillon lui fit remarquer qu'il était entré dans les toilettes des filles ce qui le fit non seulement rougir mais en plus s'étouffer avec la fumée. Et la suite n'arrangea rien.

Après quelques secondes à reprendre son souffle, il lui répondit :

"Non je ne savais pas, je n'y serai pas entré sinon... Et je ne suis pas..."

Il ne pouvait pas dire ce mot, c'était tellement vulgaire! Et puis, ce n'était pas vrai, il avait été amoureux d'une fille avant d'arriver au pensionnat, ce n'était -

"-pas parce que Serge est venu l'autre soir que j'aime que les garçons..."

Il se rendit subitement compte qu'il avait dit à haute voix la fin de sa phrase. Il devint écarlate, et tenta de se rattraper, mais son esprit était confus et il arrivait encore moins que d'habitude à s'exprimer clairement.

"Non, enfin, je veux dire, c'est juste qu'il avait envie de parler, alors il est venu dans ma chambre, et, euh, on a parlé..."

J’ai passé plusieurs dizaines de secondes à le voir s’étouffer pour l’entendre démentir, écarlate sans savoir si c’était dû au manque d’air ou à la gêne, blasée.

-Ha ouais.

C’était bien mignon de l’entendre se répandre en justifications si emmêlées qu’elles ne convainquaient personne, mais c’était le genre de candeurs que je trouvais relou, surtout à la longue.

-Te prends pas la tête, kiffe ce que tu sens. Quoi que tu fasses les gens critiqueront alors si en plus tu fais pas ce qui te plaît ça vaut carrément pas l’coup, nan ?

Je l’ai délivré du oinj qui avait plus l’air de tenir de la torture que de la détente entre ses lèvres. J’ai ouvert la fenêtre et entamé de me hisser sur le toit qui était facilement accessible en ma qualité d’asperge. L’angle de vue qu’offrait mon uniforme et ma hauteur à Caleb aurait été immortalisé sans préavis par n’importe quel mangaka frustré mais ça n’avait pas l’air d’être le genre du damoiseau. Une fois montée sur le toit j’ai tendu ma main par la fenêtre.

-Tu montes, grand ? Les pions iront pas te chercher ici.

J’ai surtout rajouté le dernier argument pour être sûre qu’il monterait bien, préférant ne pas se faire attraper par la loi qu’il avait trahie pour la première fois de sa vie – ceci n’était qu’une simple supposition.

-Vous avez parlé de quoi alors ? Parce que c’est pas vraiment comme si Serge parlait plus avec sa queue qu’avec sa bouche mais un peu quand même.

J’ai voulu fumer un peu sur le pétard avant de me rendre compte qu’il était complètement foutu car je m’étais appuyée dessus en montant. Je l’ai jeté du toit et l’ai regardé tomber au rez-de-chaussée, dans un pot de fleurs. J’ai donc posé ma tête entre mes mains, l’incitant à me répondre d’un regard qui se voulait intéressé, voilé par la défonce.

I love 'em when they don't give a motherfuckin shit.

Cendrillon le rassura et lui reprit la cigarette. Quand elle ouvrit la fenêtre, l'air frais lui fit du bien et abaissa un peu la pression qui lui était monté à la tête. Alors qu'il se disait que la situation n'était pas si grave finalement, Cendrillon se glissa par la fenêtre pour escalader le mur jusqu'au toit.

"Ah, Cendrillon-san, attention! C'est dangereux!"

Mais Caleb ne voyait déjà plus le haut de son corps et il détourna bien vite les yeux pour ne pas profiter honteusement de la vue. Elle lui tendit alors la main et il la regarda abasourdi. Lui, grimper sur le toit? Mais c'était interdit! Lui rappelant qu'il était en train de sécher les cours - monsieur Taylor allait être furieux, il se ferait punir, peut-être même renvoyer, qu'est-ce qu'il allait devenir - elle le convainquit de monter. Peut-être que si personne ne le voyait il ne craignait rien?

Assis tous les deux sur le toit, elle lui demanda de quoi ils avaient parlé avec Serge. L'association de mots choisis par Cendrillon lui faisait remonter des images à la tête, images qu'il voulait à tout prix garder pour lui. Mais elle le fixait, et Caleb n'arrivait pas à mentir quand on le fixait - il avait déjà du mal en général - alors il choisit le mensonge par omission :

"On a parlé de poésie... Je lisais Rimbaud, le Buffet, c'est vraiment un poème magnifique, je crois que c'est mon préféré, même si j'aime beaucoup Sensation aussi, euh et donc on a parlé de Rimbaud, mais Serge disait qu'il préférait Verlaine, parce qu'il disait ce qu'il pensait et puis..."

Et puis il fallait s'arrêter la parce que Caleb avait l'impression que tout avait basculé à partir de ce moment-la. Il tenta donc encore une fois de partir sur la poésie, espérant que ça ne prenne pas la même tournure qu'avec Serge...

"Et puis voilà, tu lis de la poésie Cendillon-san?"